L’hôpital

Changement de saison, changement d’humeur, changement de thème. Visible après avoir purgé le caché.

Je pense très souvent à cette période.

J’avais demandé à changer de service après une dizaine de jours passés en psychiatrie. Un mois. Je devais rester un long mois dans ce service. Juillet allait être très long. Le personnel soignant semblait encore plus atteint que les patients. Je n’étais pas rassuré. Une nuit, ils avaient trouvé drôle de m’enfermer dans une chambre capitonnée les mains attachées par de vraies menottes à un lit. C’était le bizutage obligatoire.
Toutes les chambres n’étaient pas fermées. Certains malades erraient dans les couloirs. Je me souviens d’une patiente en particulier. Elle avait toujours un walkman dans sa poche. Elle écoutait en permanence l’aigle noir. Je me souviens également d’une petite grand-mère. Elle semblait très fragile. Soudain, elle a commencé à tout balancer dans sa chambre. Nous étions quatre sur elle et avions grand peine à la maîtriser. Il fallait être vigilant en permanence. Et ne jamais s’attacher aux malades.
Je me souviens également d’une salle réservée aux passeurs de drogue. Elle était remplie de sud-américains. Ils remplissaient des préservatifs avec de la cocaïne, fabriquaient de petites boulettes qu’ils avalaient. Ils pouvaient en avaler des dizaines. Si le préservatif lâchait, ils mourraient. Ceux qui étaient dans notre service avaient tous été dénoncés. Ils restaient le temps de chier leur drogue. Un mec était payé pour compter les boulettes.

Ce monde était trop dur pour moi. Je n’avais pas une carapace assez épaisse pour rester trop longtemps dans ce milieu. Je regrette cette capitulation. La psychiatrie est un domaine captivant.

J’ai donc atterri au bloc de chirurgie cardiaque le mois suivant. Travaillant de nuit, il n’y avait que des interventions d’urgence. Les nuits de transplantation de cœur ou cœur-poumons étaient rudes. Le personnel du bloc prenait soin de moi. Parfois, le chirurgien me demandait de m’approcher. Il m’expliquait ce qu’il faisait. Pas à pas. C’était passionnant. Lorsqu’il n’y avait pas de greffe, je remontais en réanimation cardiaque. Le personnel était jeune. J’ai vite appris que travailler dans un tel service était usant. Nous étions tous complices. Nous passions la nuit à courir. Nous devions faire des tours de garde interminables. Lorsqu’un tour se terminait, nous devions en recommencer un nouveau. Nous prenions grand soin des malades. Cette phrase peut paraître stupide lorsque l’on travaille dans un hôpital. Pourtant, prendre soin des patients, ce n’est pas seulement les soigner physiquement. C’est également les écouter, être attentif, les faire rire, les rassurer. Leur montrer que quelqu’un veille sur eux et qu’ils ne sont pas seuls. Simplement.

La fin du mois d’août approchait. Je devais quitter l’hôpital et mes nouveaux compères. Yan, mon meilleur ami de l’époque, et sa sœur Nathalie, m’avaient invité à passer quelques jours dans leur maison située sur l’île d’Oléron. L’endroit était idéal pour se reposer après ces deux mois intenses. Nathalie était venue avec sa fille, Clémence. Elle commençait à parler. Elle ne pouvait pas prononcer mon prénom. Alexandre était décidément un prénom trop compliqué. Trop de « xe » et de « re ». Il fallait qu’elle y arrive. Alechandle, échandle, chondle. Au bout de quelques jours, je m’appelais roidetrefle. C’était bien plus pratique.

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