Anne-Claire et les garçons

Je me souviens avec beaucoup de tendresse et de mélancolie de cette douce époque. Je travaillais de garde à la pitié. J’avais été affecté en Neurochirurgie. Le boulot était très dur. J’étais arrivé un jour de grande garde. Tous les accidentés de la région parisienne arrivaient dans notre service. Je me souviens encore du crâne défoncé d’un homme, gisant sur un brancard. Je ne pensais pas être capable de tenir deux longs mois dans un tel environnement. Je bossais de 14h00 à 22h00, parfois 9 jours de suite. C’était physiquement et moralement épuisant. J’étais affecté aux deux salles de réanimation. De nombreux patients étaient atteints de tumeurs cérébrales. Mais tout était nouveau pour moi. Je commençais à être indépendant. J’apprenais plein de choses. Mon entourage était formidable. J’adorais le contact avec les patients. Je passais beaucoup de temps à les réconforter. Parler, plaisanter, faire le pitre, les distraire, serrer leurs mains, sourire, faire un clin d’œil, rester avec eux, jusqu’à la fin. Souvent.

Je n’étais pas le seul étudiant à avoir été engagé dans ce service. Il y avait Anne-Claire. Elle était lyonnaise et allait rentrer en deuxième année de médecine. Nous avons tout de suite sympathisé. Elle était très belle. Etant seule sur Paris, elle était vite rentrée dans ma bande d’amis. Fred et Franck bossaient dans les assurances, Yan ne travaillait pas. Nous passions toutes nos soirées ensemble. Quelques fois, je restais seul avec Anne-Claire. Nous marchions des heures entières dans Paris la nuit. J’étais déjà très timide. Je ne pouvais pas concevoir qu’une personne comme elle puisse s’intéresser à moi. Je n’avais rien vu. :dunce_tb:
Fred était rapidement tombé amoureux d’elle. Il allait tout faire pour la séduire.

Un soir, il ce gros batard avait organisé une petite fête chez lui. Alcool à gogo. Ils étaient tous bourrés. Sauf moi, qui carburait au jus d’orange. Je commençais à remarquer le petit jeu de Fred. Il tournait autour d’elle. Il allait se passer quelque chose. Je le sentais. J’étais énervé. Je me suis cassé en claquant la porte. Elle a passé la nuit chez lui. Elle est venue me le dire le matin en m’apportant un bouquet de fleurs. Nous n’étions pas ensemble. Elle pouvait bien faire ce qu’elle voulait.
J’ai su pour la première fois ce que signifiait être amoureux. J’étais jaloux, en colère. J’avais été trahi par mon meilleur ami, mais également par la personne que j’aimais. Je n’avais pas encore réalisé, avant cet incident, combien je pouvais l’aimer. Je me suis senti si seul. Je n’arrêtais pas de pleurer. Comment avais-je pu être aussi con ?

Les jours qui suivirent cet incident furent tendus. Je ne lui adressais plus la parole à l’hôpital. Nos collègues se sont vite aperçus qu’il y avait quelques chose entre nous. Et puis nous nous sommes longuement expliqués à la sortie de la Pitié. Nous nous sommes rendus dans le petit square à l’entrée de la Salpetrière. Elle s’est assise sur mes genoux, a posé délicatement sa tête sur mes épaules et a commencé à m’embrasser. Ce fut ma plus longue séance de galoche. Mon cœur battait très vite. Je sentais le sien battre aussi fort.
Nous avons pris le métro et sommes rentrés chez moi.

Je suis parti quelques jours plus tard chez ma grand-mère en Corrèze. J’avais cumulé quelques jours de congé et avais prévu d’y aller bien avant de la rencontrer. A mon arrivée, une vingtaine de lettre m’attendaient. Elle adorait écrire. A mon retour, elle m’attendait sur le quai de la gare d’Austerlitz, toujours avec un bouquet de roses. Nous ne nous sommes pas séparés jusqu’à la fin du mois d’août.
La rentrée universitaire fut déchirante. Elle était loin de moi à Lyon. Nous passions beaucoup de temps au téléphone. Elle montait une fois par mois sur Paris, je descendais une fois par mois à Lyon. Le temps aidant, chacun à retrouvé sa vie d’avant. Les amis, la faculté, les examens, la famille, l’éloignement. Nous avons convenu au bout de quelques mois que notre relation était trop fragile pour durer. Nous sommes restés amis. Qu’il est difficile de rester ami avec une personne que l’on a aimé.

Au mois de juillet suivant, nous sommes parti avec des amis communs dans sa maison en Normandie. Je pensais naïvement que nous pourrions recommencer à zéro. Il n’était pas trop tard. Ce fut pour elle l’occasion de me présenter son nouvel ami. J’étais mort de jalousie, mais nous n’étions plus ensemble. Elle était distante avec moi. J’ai compris que je ne faisais plus partie de sa vie. Ce fut une expérience vraiment humiliante très douloureuse.

Petit à petit, elle est sortie de ma vie. Une autre personne à fait son entrée. Elle est toujours à mes côtés.

15 commentaires sur “Anne-Claire et les garçons

  1. C’est une tres belle histoire…

    J’aime beaucoup la fin… Le dernier paragraphe. En petite curieuse que je suis, cela fait combien de temps que cette « autre personne » est a tes cotes ?

  2. On ne change pas une une equipe qui gagne dit-on.
    Quelle merveilleuse chance que de n’avoir que 2 personnes ayant traverse ta vie…. Je ne puis, helas, en dire autant 🙁

  3. Je ne sais pas si c’est une chance. Mais, finalement, une fois que l’on a trouve le bon :happy_tb:
    Meme s’il est parfois tres souvent chiant, je le garde quand meme. Il range ses jouets affaires et fait son lit.

  4. Ah oui ? tu le pretes pas des fois ? Tu l’as rudement bien eduque quand meme !
    Il fait la cuisine ? la vaisselle ? Parce que la moi je dirais chapeau Mr de roidetrefle ! 😀

  5. C’est la 1ere fois que j’arrive sur ton blog par l’url de base et c’est assez joli.
    Normalement j’arrive (via le fil rss) direct sur un billet precis. C’est dommage que du billet, il n’y ait pas de lien pour revenir sur l’index, par exemple en cliquant sur le bandeau.

  6. Je ne sais plus comment c’est configure chez moi sous dotclear mais entre les url « billets precedents » et « billets suivants », il y a « sommaire » qui pointe sur la page index

  7. Je vais essayer de modifier tout ca mais je suis une bille en wp. Et j’ai un peu peur de passer sous dotclear et perdre tous mes billets et commentaires.
    Concernant le lien sur le bandeau, je vais essayer de ruser en transformant l’image principale sous flash (et en incluant des liens), ce que j’ai deja essaye de faire pour la barre laterale.

    J’espere y arriver d’ici quelques jours mais rhalala, ca prend beaucoup de temps (et tu sais bien de quoi je parle…) 😉

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