Petites réflexions personnelles sur l’affaire Suez-GDF

(de la part de quelqu’un qui n’y connait pas grand-chose en économie et qui est persuadé que ce billet n’intéressera pas grand monde, mais ça fait toujours du bien d’en parler)

Attention, billet vraiment très chiant à lire

L’Etat français a une nouvelle fois frappé. L’allemand e-on ayant lancé une contre-OPA l’espagnol Endessa, les grandes manœuvres dans l’industrie énergétique ont débuté la semaine dernière. Enel, le champion Italien ne pouvait pas rester isolé sur ce marché, sa capitalisation boursière en faisant un poids moyen. Ce groupe a donc envisagé de lancer une OPA sur le français Suez, lui-même détenteur du Belge Electrabel.

Un peu d’histoire

En 1997, le groupe Suez Lyonnaise des Eaux, né de la fusion entre la Compagnie de Suez et la Lyonnaise des Eaux est la première entreprise mondiale de services de proximité. En 1999, le groupe joue le chevalier blanc dans l’OPA ratée de Generali sur la société Générale de Belgique, s’assurant ainsi le contrôle absolu sur Tractebel, qui occupe une position dominante en Belgique dans la production, le transport et la distribution de gaz et électricité, via ses filiales Distrigaz et Electrabel. Le groupe français met également la main sur Coditel, le premier opérateur européen de télédistribution. Petit à petit, Suez se désengage de ses activités non stratégiques (M6 et autres médias) et se recentre sur l’énergie (électricité et gaz) et Environnement (eau, épuration, déchets). La multinationale est le premier producteur indépendant d’électricité en Europe.
Petit à petit, Suez poursuit son européanisation. A partir de sa position dominante dans le Benelux, Electrabel poursuit sa percée en France (et devient un concurrent direct d’EDF), en Italie, en Espagne, au Portugal, en Allemagne, en Pologne, en Hongrie. En dehors de l’Europe, c’est l’autre grande division du groupe, Suez Energie International, qui déploie ses activités en Amérique du Nord et du Sud.

L’année dernière, juste après l’affaire Danone, Suez à lancé une OPA sur le solde des actions Electrabel qu’il ne détenait pas encore. Cette OPA a fait scandale en Belgique, la société jouissant d’un quasi-monopole sur l’électricité en Belgique. Les dirigeants de Suez ont essayé de rassurer les copains belges en expliquant que Suez était un groupe binational. Ce n’était pas une nationalisation vers la France de manière rampante. En Belgique, la classe politique riait jaune, en rappelant que la production et la distribution d’électricité est bien plus stratégique que de fabriquer des yaourts. Rien à battre : l’opération était vitale pour Suez : La reprise à 100% d’Electrabel permettait à l’entreprise de rafler la montagne de cash de sa filiale belge.

Comment se griller avec nos copains européens

L’annonce surprise d’Enel, contrôlé par l’Etat italien, de ne pas exclure de lancer une OPA sur le français Suez afin de mettre la main sur Electrabel, a affolé le gouvernement qui ne souhaitait vraisemblablement pas être accusé de laisser filer Suez de l’autre côté des Alpes.
L’histoire ferait un peu tâche un an avant les prochaines élections. Il fallait vite réagir. Et moi, je dis chapeau la colo.
GDF n’est qu’un poids moyen en Europe et l’Etat en détient encore près de 70%. En incitant à la fusion GDF et Suez, l’Etat (i) verrouille de facto le capital du futur ensemble, (ii) empêche l’OPA hostile, et (iii) privatise (merci Mich) brutalement GDF au nez et à la barbe des syndicats à qui on avait juré que l’Etat ne descendrait pas sous la barre des 50 %.
En se mêlant une nouvelle fois de ce qui ne le regarde pas, la France se met ses voisins (et principaux partenaires économiques) à dos. L’Italie est indignée : EDF est rentré il y a quelques années brutalement sur son marché suite au rachat d’Edisson, et BNP Paribas a récemment croqué un des fleurons de la banque transalpine. L’Allemagne est froissée et comprend de moins en moins l’interventionnisme français, la pilule étant difficilement passée après la fusion Sanofi-Aventis et l’affaire Alstom-Siemens.

Un libéralisme sauvage n’est bien entendu pas une bonne chose pour l’économie. Cependant, l’interventionnisme systématique (et la distribution des postes clef par copinage) rend une fois de plus notre pays peu attractif et peu crédible aux yeux des marché financiers et des entreprises étrangères tentées de s’installer chez nous. De plus, la politique industrielle de l’Etat ayant été jusqu’ici catastrophique, on peut s’interroger du bien fondé de cette opération. Tant que le gouvernement ne réalisera pas que la croissance doit se bâtir sur l’offre (comme en Allemagne) et non sur la demande, on assistera inexorablement au déclin industriel et notre pays se transformera, pour reprendre une expression qui a choqué en son temps, en pays Club-Med.

14 commentaires sur “Petites réflexions personnelles sur l’affaire Suez-GDF

  1. ben moi j’ai trouve ce post TRES TRES TRES interessant et je te remercie VIVEMENT cher roidetrefle d’eclairer ma lanterne… la seule chose que je connaissais de Suez c’est un pub a l’epoque de leur privatisation que j’aimerais rien revoir pour juger des ravages du temps (ou des bienfaits de la chirurgie) sur une certaine Catherine Troisvielle…

  2. Merci Nono. Ton compte est toujours le 487 65897Z? :mrgreen_wp:

    Et pour continuer dans le soporifique, la pub etait a l’epoque pour la banque d’affaire Indosuez (groupe historique de suez), reprise il y a quelques annees par le Credit agricole.

  3. Bien merci pour cet article qui resume l’histoire.

    (par contre, une coquille la : (iii) nationalise brutalement GDF… euh, c’est le contraire, non ?)

  4. Ouh ben moi ma bonne dame je decouvre l’anilotion avec vous, hein. C’est pas encore arrive en province, ‘tudieu que non ! Mais pour moi, rien ne vaut un coup de langue ! 🙂

    Qui veut etre stagiaire, au fait ?

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