Mes vacances avec papa chez les méchants communistes

Quand j’étais petit, les vacances se déroulaient très simplement.

Je partais chez mon père à la Toussaint, une semaine lors des fêtes de fin d’année, pendant les vacances de février et un mois en été. Je suivais toujours le même rituel. Je prenais le train de 18h53 en direction de Dijon le vendredi soir. J’arrivais à Tonnerre deux heures plus tard. Mon père était toujours en retard. Je m’asseyais sur ma valise et j’observais les voyageurs, les embrassades, les départs de taxis. Je me retrouvais toujours le dernier. Mon père arrivait finalement. Il sortait de la voiture, m’embrassait et déposait ma valise dans le coffre. Il fallait encore parcourir une vingtaine de kilomètres avant d’arriver à la maison, non loin de Noyers sur Serein. Nous ne parlions pas beaucoup pendant le trajet. Juste le nécessaire. Ma scolarité se passait bien et j’étais en bonne santé. C’était le minimum syndical.

A l’arrivée, je descendais ouvrir le grand portail blanc. Nous entrions dans la grande maison et je me dirigeais vers la cuisine puis vers l’escalier qui me conduisait à ma chambre au premier étage. J’ouvrais ma valise, rangeais mes affaires et je redescendais aider mon père à préparer le dîner. Nous mangions rapidement. A la fin du repas, mon père allumait une Craven et se dirigeait vers le bureau ou il commençait à s’occuper de « ses papiers ».
Je me dirigeais de mon côté vers ma chambre. Autour du lit se trouvait un tas de vieux livres poussiéreux appartenant jadis à mon grand-père. Des livres consacrés à l’astronomie, aux mers et océans, et de nombreux ouvrages de géographie. Un globe terrestre me servait de lampe de chevet. Je m’endormais toujours la lumière allumée car j’avais toujours très peur dans cette maison. De grosses poutres traversaient ma chambre. Les murs étaient recouverts d’images de poulbeaux. Il y avait également une tabatière et une tête sculptée dans une noix de coco qui ne sentait vraiment pas bon.

Mon père partait pour son cabinet très tôt le matin et rentrait toujours après 22h00 du lundi au samedi. Il travaillait également le dimanche matin. J’étais triste pour lui car il semblait un peu débordé par ses consultations. J’ai appris un peu plus tard qu’il rendait visite à ma future belle-maman qui quittait la maison juste avant mon arrivée.
Je restais donc seul toute la semaine. Le village d’une quarantaine d’âmes étant perdu dans la forêt et la première ville étant situé à plus de 5 kilomètres, je restais donc principalement dans le jardin. Je ne comprenais pas pourquoi ma présence était nécessaire. Je n’apportais rien à mon papa, et il ne m’apportait pas grand chose.

Le soir, lorsque j’étais encore éveillé, il me promettait de m’emmener en vacances. Rien que nous deux. Il souhaitait partir loin, très loin. Il me parlait d’un endroit qui me semblait follement exotique, le lac Baïkal, véritable mer intérieure située au sud de la Sibérie. A l’époque, il n’était pas si facile que cela de se rendre en U.R.S.S. car nous étions en pleine guerre froide.

Papa n’arrêtait pas de me parler de la faune et de la flore de cette région. J’avais même retrouvé dans ma chambre des vieux bouquins décrivant ce lac, une des plus grandes réserves d’eau douce du monde. On pouvait également y pêcher de très gros poissons. Papa adorait pêcher. J’avais bien évidemment compris qu’il souhaitait d’abord assouvir sa passion avant de me faire plaisir. Je m’en moquais car j’allais partir chez les communistes (même si ma Grand-mère paternelle m’avait dit un jour qu’ils étaient tous très méchants et qu’ils allaient débarquer à Paris si les socialistes ou les communistes français remportaient les élections présidentielles un jour).

Les années ont passé et nous ne sommes jamais allés au pays des soviets.

Nous n’avons jamais quitté la maison, sauf un week-end, ou nous sommes partis camper de l’autre côté de la rivière. Papa avait accroché la petite remorque à la vieille voiture blanche de pépé Adé (André). Cette remorque lui servait généralement à transporter les objets encombrants à la décharge publique.
Il avait déjà chargé le vieux réfrigérateur dont il souhaitait se débarrasser en revenant à la maison. Nous allions camper avec tout le confort. Un vieux matelas, la table du garage, un parasol, un barbecue et tout le matériel pour pêcher.

Ce furent de chouettes vacances.

Certainement les seuls instants de complicité avec mon papa.

Ceci est ma contribution au diptyque 3.1, concocté par Akynou. Photographie de Rh.P.

7 commentaires sur “Mes vacances avec papa chez les méchants communistes

  1. Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des grands parents communistes :happy_tb:
    Moi, j’ai eu finalement la chance d’avoir mes beaux grands parents communistes, je me suis donc rattrape. Malheureusement le grand-pere de Snooze est trop ??⬨

  2. Salut,
    Je viens de decouvrir ton blog.
    Quand es-tu alle aux Seychelles? Je compte y aller en janvier pour la premiere fois…
    Laurence
    … et bravo pour ton blog et tes billets d’humeur…

  3. J’y ai cru du debut jusqu’a la fin, et me demande encore quelle part de realite il y a dans ce recit.

    Et ca m’a fait repense aux episodes de Mac Gyver o??⬨? les mechants etaient toujours d’URSS, ca me faisait toujours rigoler. Et maintenant, dans les series americaines, c’est au tour de mechants terroristes arabes (hmmm ils ont bien evoluer !).

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