Je me dégoûte (parfois)

J’étais déjà passé le voir il y a près de deux ans. Le poids était trop lourd à porter. Je devais lui avouer que je n’étais qu’un monstre près à tout pour arriver à ses fins. J’hésite encore à pénétrer dans ce petit bout de pièce lugubre et froid. Nous sommes seuls. Sa voix est grave, je ne peux toujours pas apercevoir son visage. Il me demande la raison de ma venue. Elle est très simple. J’ai enfin avoué à mes camarades de bureau que j’étais pédé que je passais mon temps à jouer à un jeu nommé « truithon » et que j’étais en partie responsable de la prise de poids d’une de nos anciennes collègues hystériques. Je devais annoncer à l’Abbé Noragie cette bonne nouvelle.

Lui : Bonjour mon fils.

Moi : Bonjour mon père. Mon père, pardonnez-moi, j’ai beaucoup péché.

Lui : Ah, racontez moi mon fils…

Moi : C’est toujours à cause du truithon.

Lui : Pause

Moi : Allo? Le truithon mon père. Vous vous souvenez. On s’amuse à faire grossir des personnes que nous n’aimons pas et qui font attention à leur ligne. J’étais passé vous en parler il y a presque deux ans.

Lui: Ah oui mon Dieu, je m’en souviens.

Moi : Ne jurez pas mon père!

Lui : Soupirs.

Moi : J’ai tout avoué à ma collègue la plus proche. Elle m’a regardé avec de grands yeux et a paru horrifiée. Elle a trouvé que c’était le jeu le plus cruel qu’elle connaissait et m’a traité de monstre sans coeur. J’ai également tout raconté à mon supérieur hiérarchique. Il en a parlé à sa femme. Elle est magistrat et a décidé d’adapter le truithon dans les bureaux du palais de justice à Paris. C’est magnifique, non?

Lui : Vous n’êtes qu’un pervers mon fils.

Moi : Buh, meuh…alors juste un tout petit si cela peut vous faire plaisir.

Lui : Mais tout avouer vous empêche de continuer ce jeu sordide ?

Moi : Mais non, et c’est très fort. Raconter cette histoire me donne des alliés qui se mettent également à jouer avec moi. Et les rares personnes au courant ne se méfient plus de moi. D’ailleurs, pour fêter ça, je leur ai préparé une spécialité bretonne vraiment très légère. Cela s’appelle un Kuign-Amann. Vous connaissez?

Lui : Non, mais je suis certain que c’est délicieux.

Moi : Oh oui alors. Je me suis permis de vous en apporter. Goûtez, ce n’est préparé qu’avec de bons produits. Alors, conquis?

Lui : C’est fantastique ce goût de beurre et de caramel. Comment le préparez vous?

Moi: Le plus simplement du monde. Il faut juste préparer 1,2 kilo de pâte à pain très molle. C’est la partie la plus longue de la préparation. Il faut ensuite étaler la pâte à la dimension d’une grande crêpe bretonne, étendre dessus deux plaquettes de beurre mou et recouvrir le beurre de sucre en poudre en quantité suffisante pour masquer le beurre. J’en ai mis au moins 500 grammes. Un peu plus pour tout vous avouer. La partie la plus délicate commence juste après cette opération. Il faut plier la crêpe en quatre de façon à lui donner la forme d’un triangle dont un côté est arrondi. On laisse reposer quelques minutes et on recommence deux fois le feuilletage. Il suffit juste de déposer la préparation dans un moule à manqué et faire cuire à four très chaud.

La cuisson fut immonde. J’ai passé mon temps à regarder le beurre suinter puis dégouliner de la pâte. C’était pire qu’une friture à l’huile. Le beurre liquide faisait « floc floc » et caramélisait avec le sucre. Mais l’odeur dégagée par le four était à tomber. J’en aurais presque oublié la raison de la préparation de ce gâteau et me serais laissé tenter.

Cela vous a plu mon Père?

Vous venez d’absorber votre ration calorique pour la semaine.

Mon Père?

Vous êtes toujours là?

Nan c’est pas vrai, il n’est quand même pas parti se faire vomir?

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