La mare aux étrons

Il faut surtout éviter de s’énerver quand tout va de travers. On a forcement été marabouté ou été l’innocente victime d’un méchant prêtre vaudou. Il faut rester zen, passif, d’un calme olympien et attendre que les choses redeviennent normales, un point c’est tout. Je crois avoir vécu la pire semaine de l’année. Un véritable condensé de merdes (sans jeu de mot).

Tout à commencé à Chicago. Je ressemblais à blanche neige au pays des nains. J’étais heureux car je venais de passer une semaine délicieuse. Je chantais dans la rue et mes amis les lapins, nains de la mine, écureuils et autres biches m’accompagnaient jusqu’à la bouche du métro, à l’orée de la foret magique. J’étais chargé car je rentrais en France. Tout d’un coup, de gros nuages firent leur apparition. La vilaine sorcière de l’ouest déclencha une grosse tempête. Plic, ploc. J’ai vite été trempé. Ploc. Je n’avais plus qu’une centaine de mètres à parcourir avant de m’engouffrer dans le métro. Le feu est passé au vert. J’ai attendu que les voitures passent. Un automobiliste a accéléré, s’est approché du trottoir bordé de flaques et m’a éclaboussé de la tête aux pieds. Ploc ploc. Mon sac en papier contenant ipod, chocolats, bouquins et portefeuille a naturellement cédé, me forçant à tout récupérer dans le caniveau. J’avais la haine et je commençais à avoir un peu froid.

Je suis enfin arrivé à l’aéroport. J’étais toujours trempé. Mon jean avait déteint sur mon caleçon, mon polo était dégueulasse et mes chaussettes s’étaient transformées en deux immondes serpillières. J’ai rapidement embarqué. Je me suis shooté comme les trois quarts de l’avion et me suis réveillé quelques minutes avant l’atterrissage. J’ai allumé mon téléphone et consulté mes messages. Snooze m’informait qu’il y avait eu un problème et que nous avions inondé la salle de bains de nos voisins du dessous. J’étais vraiment contrarié mais je ne pensais qu’à une seule chose: prendre une douche bien chaude et me changer. Je suis vite arrivé à la maison. L’eau était coupée car la fuite n’était pas réparée. Une seule option s’offrait à moi pour pouvoir rapidement prendre une douche: changer le maudit joint responsable de la fuite. J’ai serré bien fort les fesses, démonté le vilain robinet et séparé la cuvette de l’arrivée d’eau. Bob le bricoleur avait pris possession de mon corps et j’étais fier comme Artaban d’avoir colmaté seul comme un grand la fuite. J’étais le maître du monde.

La réparation m’a également permis de profiter des cabinets. J’ai malheureusement eu la bonne surprise, après avoir tiré la chasse, que le fruit de mon intense métabolisme se déversait joyeusement dans la baignoire. Le tuyau d’évacuation des eaux usées était bouché. Chiottes, évier et baignoire communiquaient allègrement. Blop. Des litres de merde verdâtre remontaient et tout l’appartement sentait la marée basse. J’ai soudain eu envie de pleurer quand le tuyau d’arrivée d’eau a commencé à fuir de nouveau et que je me suis aperçu que la cuvette des toilettes n’était plus étanche. La baignoire a fini par se vider au bout d’une dizaine d’heures, me permettant de me soulager à nouveau et de la re-remplir instantanément. Des litres d’un liquide marron qui pique les yeux un peu biohasard dégorgeaient de partout, et ni soude, ni tuyau déboucheur magique ne permettaient d’écouler les eaux usées. Moi qui adorais prendre des bains avec mes canards en plastique, je me retrouvais avec une baignoire remplie d’un liquide marron à 37° maculée de jolis étrons flottants.

Dans ce genre de cas, il est fort peu probable de trouver un plombier en urgence. Le syndic de notre immeuble, peu motivé, m’a proposé un créneau pour aujourd’hui (c’est à dire cinq jours plus tard). Les ouvriers qui officiaient dans l’appartement du dessous sont montés et m’ont balancé que notre système d’évacuation était merdique (ah ah, humour) et qu’ils n’avaient rien à voir dans nos malheurs. Je me suis enfin prostiputé pour trouver un gentil plombier qui m’a tout d’abord affirmé qu’il ne pouvait rien faire car il fallait faire sauter la colonne d’évacuation extérieure. Il a ensuite tenté le tout pour le tout avec un instrument de l’espace. Le bouchon a fini par sauter libérant un gros pchouit magistral. J’ai hésité à sauter sur mon plombier et à lui rouler un patin. Il ne me restait plus qu’à stériliser l’ensemble de l’appartement au gel anti-bactérien et à la Javel.

Juste le temps de me connecter sur ma boîte e-mail professionnelle et me rendre compte que Nadine était encore en arrêt pour d’obscures raisons depuis mon départ et que l’on m’avait refilé assez de boulot pour me priver de vacances jusqu’à 2015 et me faire claquer d’un arrêt cardiaque par excès de stress.

Au moins, chez Bonum, les chiottes ne sont pas bouchées.
C’est un peu ça le bonheur. :blink_tb:

32 commentaires sur “La mare aux étrons

  1. (ohhh, la belle bannière, la vue depuis le Michigan Avenue Bridge 🙂 )
    N’empêche que c’est là qu’on se dit que c’est bien la peine de mettre des illustrations dans ton billet si c’est pour pas mettre de photo! Ah là là, le grand reportage, c’est plus ce que c’était!

  2. Bin là, vaut mieux pas te souhaiter « merde » pour tout le boulot que tu as à achever chez Bonum car tu y es en plein dedans :annoyed_tb: :jittery_tb:

  3. C’est vrai que dans ces successions de merdes (enfin… tu vois…) la moindre chose qui permette de relativiser est une sorte de Nirvana.

    Viens à la maison, la prochaine fois que tu veux prendre un bain ! En plus ça fait râler mes grincheux de voisins, j’adore !

  4. Trop fort et en même temps vraiment pas de chance…
    Et encore tu vas stériliser ton appart avec du gel antibactérien et tout le tra la la… Moi j’aurai simplement rajouté avec de superbes gants en latex bleu… C’est un peu pour la touch Kitch !! lol
    Courage alors pour le grand nettoyage.

  5. @ Mume: Groumph! :annoyed_tb:

    @ Oli: C’est mieux que Denver, hein? Pour les illustrations, je n’avais pas envie de bousiller mon appareil. Le caca, ça colle. :laugh_tb:

    @ TarValanion: Je n’y ai pas mis les pieds, juste les mains. J’ai la peau douce si tu savais.

    @ The 6L20: Murphy, enculé! :jittery_tb:

    @ Valérie de haute Savoie: Ouha, la chance! :thumbup_tb:

    @ Fiuuu: Fiuuu, tu sors. :furious_tb:

    @ JM: Encore plus que tu penses malheureusement. :happy_tb:

    @ Zep: Ah ah ah. Fais gaffe, la fée de l’ouest peut passer par chez toi Zepounet. :devil_tb:

    @ Anne: Ahhhh tu sais maintenant mon Nirvana, c’est de tirer la chasse et que tout parte correctement dans le bon tuyau. Et merci pour l’invitation. :wub_tb:

    @ MarcelD: Pas de lien. En revanche, je t’ai gardé une coupe au frais, à partager entre amoureux. :king_tb:

    @ Nico: Très élégante la touche Mappa. Tout est nettoyé maintenant. L’appart sent le frais, un véritable bonheur. :thumbup_tb:

    @ Thié Rit: Et bon appétit bien sûr! :king_tb:

  6. c’est dur à dire, mais je viens de me prendre un fou rire à la lecture de ce post… Même si je compatis fortement (disposant moi même d’un sanibroyeur récalcitrant)
    bon courage pr la suite en tout cas

  7. Je le savais : les précédents billets sur comment c’était beau ce coin de la Namérique ont été écrit par un écrivain fantôme, et le vrai roidetrefle voyageur est enfin revenu :laugh_tb:

  8. Un vrai cauchemard ces histoires de tuyauteries… C’est comme une connection internet, quand cela marche c’est génial, dés que cela commence à déconner, c’est foutu…

    (beau récit en tout cas)

  9. Et tu n’as pas eu envie de te pendre ? Ah la sale semaine.
    Je constate néanmoins que tu as été efficace et tout, et tout. Et ton époux, il ne met pas les mains dans le cambouis de temps à autre ? (Oui je suis pour la paix des ménages !)

  10. @ Sasa: Ah ben c’est certain, dès que l’on s’éloigne du vibro… :devil_tb:

    @ Polyphème: Mais j’ai frappé à sa porte figures toi. Et elle était habillée. :huh_tb:

    @ Sameplayer: Oui, je peux encore mettre le feu et être défenestré. :jittery_tb:

    @ Nanaimo: Et bien oui, le thème n’est pas très loin de cet article. :king_tb:

    @ Norman: Ah les fameux sanibroyeurs. Je connais un ami chez qui la bête a explosé, et ce n’était pas triste. :thumbup_tb:

    @ Gilda: Oui, c’est moi, le roidetrefle amateur de cochonneries! :king_tb:

    @ Mummy active: Dans mon malheur, Free ne m’a pas planté (pour l’instant) :blink_tb:

    @ Mich »: Au secours Michounet! :jittery_tb:

    @ Orpheus: la fabrique, c’est possible? :laugh_tb:

    @ Fauvette: Il est plutôt branché menuiserie. Mais comme il s’énerve facilement… :furious_tb:

    @ Ditom: Han. Je suis persuadé que ce petit film t’a donné des idées, coquinou! :blush_tb:

  11. qu’en termes galants ces choses là sont dites! mais pourquoi faut ils donc éliminer de si vilaines manière ce qui somme toute est très naturel! repensons les déchets et vive les toilettes chimiques de dépannage (ou la panne en cas de panne qu’on jette négligemment par la fenêtre par forte pluie d’orage et désespoir )

  12. J’arrive franchement après la bataille car le temps m’a cruellement fait défaut jusqu’alors, mais, quoique je compatisse fort à tes malheurs de tuyauteries diverses (j’en viens presque à penser que le billet d’après aurait pu être opportunément et entièrement consacré au cancer colorectal, plutôt que d’être dispersé sur plusieurs sortes d’affections …), je peux t’affirmer sans crainte de me tromper que je n’ai jamais autant ri à la lecture d’une de tes aventures … comme quoi, le pipicaca ça marche toujours, en plus ton style doit jouer, et le summum fut atteint par l’opportun rappel de cette si merveilleuse photo de toi au milieu de tes canards … Merci de ne pas avoir renouvelé avec ceux-ci, vraiment merci beaucoup !

  13. Ping : SOS Malus

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