Poupette, c’est un peu moi

J’ai l’impression de revenir de très loin avec ma mère. Notre relation privilégiée a connu des hauts et des bas. Plus de hauts que de bas car nous avons été habitués à nous soutenir mutuellement, le bas ne correspondant qu’à la période suivant ma sortie du placard. Il a fallu ainsi près de dix années pour que tout se normalise entre elle, moi, et surtout Snooze. Nous essayons de brasser continuellement nos familles respectives. De son côté, tout est assez simple. Ses parents ont plutôt bien accueilli l’annonce de son homosexualité. Ils ont même été rassurés car le savoir en couple avec moi était pour eux synonyme de stabilité. Ses parents n’ont jamais fait de distinction entre enfants naturels, belle-soeur ou beau-fils. La famille est grande, tout le monde se mélange, c’est la fête à la maison. Ma mère a longtemps fait sa diva en refusant poliment les invitations de la famille Snooze. Puis j’ai réussi à la convaincre de les inviter. Je me souviens encore de cette première soirée qui fut catastrophique. Ma mère a pris de haut mes beaux-parents et le père de Snooze n’a pas arrêté de gaffer en parlant de notre couple et de notre appartement, alors que ma mère ne savait même pas que nous habitions ensemble. Chaque fois qu’elle passait à la maison, j’effaçais toute trace de mon chéri pour deux petites heures. J’étais alors parfaitement rodé, je savais quoi planquer, et seules quelques minutes étaient nécessaires pour transformer notre appartement en appartement de célibataire. Parfum, brosse à dent, photographies, objets divers, serviette de toilette, quelques vêtements: tout finissait dans un tiroir dédié aux effets personnels de mon mari. La divine Poupette* aurait appelé ça vivre en backstreet.

J’ai été tenté un bref instant d’être plus ferme avec ma petite maman. Si elle refusait d’accepter la relation que j’entretenais avec Snooze, je n’avais aucune raison de faire le moindre effort avec elle. Comme le disait fort justement mon ami Jérôme, Snooze est ton avenir. Tu as la chance de vivre en couple, ne laisse pas pourrir ta relation par une mère abusive prête à tout pour torpiller ton cher et tendre. Ma réaction fut surprenante. Etant manichéen à l’extrême et tranchant rapidement sans jamais revenir en arrière ni regretter mes décisions, j’ai choisi de prendre tout le temps nécessaire pour la convaincre que j’étais heureux et épanoui, et que vivre une relation homosexuelle n’était pas une tare. D’autres n’ont pas eu cette chance. Je ne compte plus les amis sacrifiés à l’autel de la déception. Je reviens très rarement en arrière. Mon père en a également fait les frais, sans aucun regret ni remords.

Maintenant que tout est au beau fixe, il ne faut surtout pas nous endormir sur nos lauriers. Ma mère et ma grand-mère ont passé le 25 décembre chez les parents de Snooze et je propose fréquemment à ma mère de venir déjeuner à la maison. Elle arrive toujours avec un petit cadeau pour Snooze ou pour notre ménage, et ne comprend toujours pas pourquoi nous ne sommes pas pacsés. Elle adore également participer à la préparation du repas en arrivant un peu à l’avance. Je m’étais amusé il y a quelques jours à écrire un billet consacré aux magazines Pif Gadget et S’Toys. J’avais alors tenté de faire monter des œufs en neige avec le Loooovetoy vibrant fourni en cadeau. Une fois nettoyé, je l’ai simplement rangé dans un tiroir de la cuisine entre cuillers et couteaux. Grave erreur. Ma mère est naturellement tombée dessus, m’a demandé ce qu’était ce bien étrange instrument de cuisine. je lui ai (lâchement) juste répondu que je ne savais pas bien à quoi cela servait mais que je le conservais car il avait été livré avec le réfrigérateur.

Entretenir les liens sans faire de gaffe, telle est désormais ma mission. :king_tb:

Pour les cinéphiles :blink_tb: : Poupette, grand-mère de Victoire dans la Boum.
Pour les littéraires: Backstreet, expression provenant du roman de Fanny Hurst paru en 1933.

19 commentaires sur “Poupette, c’est un peu moi

  1. J’ai bien ri aussi !

    Je suis quand même déçue qu’il n’y ait aucun récit de fuite de mierda ou de lavabo en folie, cette semaine, dans le logis insalubre…

  2. Pour ma part, j’ai collé mes parents devant le fait accompli sans jamais leur demander ni de comprendre, :bye_tb: ni de cautionner. Encore aujourd’hui je ne sais absolument pas ce qu’ils en pensent, c’est leur problème.
    Ils se montrent courtois avec mon copain, c’est tout ce que je leur demande.

  3. Dis donc c’est vrai que le casier où tu as rangé le « lovetoy » déborde d’accessoires qui ont vraiment un look ambigu…. Tu fais la cuisine avec tout ça toi….? On dirait le tiroir de la cuisine de Pauline Réage
    (pour les amateurs de littérature érotique désuète qui sombra rapidement dans l’oubli : Pauline Réage, l’auteur d’ « Histoire d’O »)

  4. Je n’arrive toujours pas à croire que tu puisses monter des œufs en neige avec ce suppositoire en inox ! Pire : que tu le ranges, en plus, à côté d’un casse-noix !

  5. Ohohohohohohohohohohohohohohohohohohohohohoh !
    Oui, roidetrefle, ça, c’est le rire qui s’égrène encore lentement sur mon clavier après ta stupéfiante révélation à ta maman concernant l’accessoire livré avec le réfrigérateur -américain, c’est dire si ces gens-là sont étranges … voire sataniques !- !

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