Cet hiver n’est pas merdique pour tout le monde. Les gros actionnaires restent toujours de gros actionnaires et profitent de la débâcle ambiante pour se faire plus d’argent en rachetant des titres bradés. C’est la vie. Les entreprises profitent de la crise, dont les effets ne se sont globalement pas encore fait sentir, pour mettre au chômage technique un nombre conséquent d’agents, laissant le soin à la collectivité de se substituer à l’entreprise pour financer les salaires et les charges diverses. Côté dividendes, ils n’ont jamais été aussi importants. La crise à toujours du bon car l’argent ne fait que changer de poches. Les plus faibles sont mis sur le carreau et les autres profitent de la déflation causée par une baisse subite et durable de la consommation. L’hiver n’aura jamais été aussi bon pour ceux qui ont les moyens de dépenser. Qu’il sera bon de claquer de l’argent en 2009. Après 2008 l’année de la bite, 2009 l’année de la teuf?

Cependant, tout le monde n’a pas autant de chance. Maria et Joseph ont été licenciés. Leurs employeurs ont mis tous leurs maux sur le dos de cette fameuse crise économique. On se croirait revenu trente années en arrière, la télévision en noir et blanc, la moustache et les sous-pulls en nylon qui rendaient les cheveux électriques en moins. Pourtant, Maria pensait être à l’abri car elle est enceinte de presque neuf mois. Joseph ne s’attendait vraiment pas à cet enfant. Maria a souhaité travailler jusqu’au bout pour mettre un maximum de thune de côté et en envoyer une partie à sa famille. Manque de chance, elle n’a pas été protégée par un contrat de travail béton. Le propriétaire du logement du couple n’a également pas été très clément. Juste avant la trêve hivernale, le vendeur de sommeil n’a pas souhaité renouveler le bail de leur petite chambre sans confort et ainsi engagé une troupe de fascistes aux crânes rasés pour les déloger. Leur seule option de secours fut un gros matelas humide, quelques couvertures et une vieille tente toute pourrie, tente qu’ils ont toutefois réussi à installer sous un pont du Canal Saint-Martin. Autour, pas de bœuf ni d’âne, juste deux ou trois chiens errants. Les habitants du quartier ont fait part de leur mécontentement. Les joggeurs ont commencé à êtres gênés par les sans-abris qui puent et squattent leurs berges. Il faut dire qu’ils ont déjà été habitués aux tentes il y a deux ans de cela. Leur enfant devrait bien naître en France et obtenir de facto la nationalité française. Eux n’auront jamais cette chance. Ils n’ont pas de papiers et Brice Hérode est à leur recherche. Ils devront fuir. Deux places en charter pour une destination exotique sont déjà réservées. En résumé, ils sont dans la mouise la plus totale, et leurs affaires ne vont pas s’arranger de sitôt. Maigre consolation: trois associations de quartier sont en route vers leur campement pour leur venir en aide et leur apporter quelques présents. Elles devraient arriver en tout début d’année. C’est con parfois la vie.

Un peu plus haut sur le Canal, Snooze et roidetrefle vont passer pour la première fois un réveillon de Noël ensemble. Snooze et roidetrefle forment un couple de gentils pédés très privilégiés qui viennent d’acheter un appartement atypique et plein de potentiel proche de la place de la République. Ils n’ont jamais été angoissés par la moindre facture, mangent à leur faim tous les jours, se font souvent plaisir, passent leur temps à voyager, sont en bonne santé, ont des amis formidables et ont la chance d’avoir un poste en or. Snooze déprime un peu. Il passera la soirée loin de sa famille car il ne souhaite pas cette année se retrouver face à un crétin de frère castrateur à tendances psychotiques. Ses parents sont tristes, ses nièces sont tristes, sa sœur est triste, mais c’est comme ça. L’expérience bretonne de cet été fut douloureuse. Il devra en retour affronter sa belle mère officieuse qui, il y a quelques années encore, refusait d’adresser la parole à l’amant de son fils. Sa belle-maman s’est cependant adoucie avec le temps. Elle a fini par comprendre que son fils était heureux et que son gendre par alliance n’était pas un mauvais bougre, loin de là. Cette année, elle n’a pas (encore) fait le coup du sapin qui ne sert à rien car elle n’a pas de cadeau à déposer autour pour ses petits-enfants. Mais le dicton ne préconise-t-il pas de ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué?

roidetrefle est curieusement d’humeur guillerette. Il n’a presque pas débandé pendant un an pour son agence, a obtenu de nouvelles responsabilités qui rendent son travail encore plus intéressant, et pense que la nouvelle année se présente sous les meilleurs auspices*. Il pense encore faire de jolis voyages, rencontrer des personnes formidables, et a mille projets en tête. Mais le plus important n’est-il pas de commencer à préparer le réveillon de Noël? Le sapin qu’il a acheté sans rencontrer le moindre problème est joli tout plein, il a presque terminé de glacer ses marrons, commence à préparer son foie gras (pas le sien, celui d’un canard mort depuis longtemps) et passe son temps à écouter des chants débilitants de Noël. A chacun ses préoccupations. Bree van de Kamp a pris possession de son corps. Il souhaite réaliser un dîner presque parfait et recherche toujours un cadeau pour son cher et tendre qui ne le mérite pas forcément. Il n’est même pas atteint par les grappes d’hystériques qui se chamaillent dans les magasins ou les queues interminables aux caisses. Non, tout va bien. Il fait froid et humide, l’estomac se prépare à dix longs jours de cauchemar, le sapin fait cling cling, nous allons faire des cadeaux et nous faire tout plein de bisous et de câlins en buvant du lait de poule.

Oups, un verre de Coca light a accidentellement été renversé sur la Playstation 3.
C’est aussi ça la magie de Noël :bye_tb:

*Merci Garfieldd :thumbup_tb: : Ne jamais écrire un billet tard dans la soirée et surtout toujours se relire. Quoi que. Peut-être fait sciemment.