La complainte du progrès

Il y a peu de temps, j’avouais l’une de mes manies les plus tenaces, le sac à merde, ou l’art de mettre dans un sac toutes les choses (animales, végétales, minérales, origines et consistances inconnues) dont on ne sait que faire, par manque de temps, d’espace et surtout d’envie. Ainsi, quoi de plus facile que de regrouper des tas de trucs indispensables mais trop longs à trier dans un sac et de glisser ce sac dans un autre sac, un peu plus grand, voire dans un troisième ou un quatrième, et de dissimuler le tout ou sous un lit ou un bureau (ou idéalement les deux) pour s’apercevoir quelques mois plus tard que le contenu n’a aucun intérêt particulier et doit finir dans une benne a ordure. Cette méthode de rangement met hors de lui mon mari qui passe son temps à tomber sur le fruit de mes semences. J’étais le plus heureux des hommes quelques jours après notre déménagement car il nous restait encore quelques cartons à trier et Snooze était trop crevé pour s’y mettre et surtout vérifier leur contenu. Les derniers cartons sont généralement toxiques. Le gentil crétin qui ne prend pas le temps de les vider juste après son emménagement peut être certain de se les coltiner pendant des mois, toutes les excuses étant bonnes pour remettre à plus tard que qui devait déjà être fait la veille de la veille de la veille (ancien proverbe bulgare). Moi, j’adorais ces cartons car ils représentaient un réceptacle idéal pour tous mes petits sacs, au nez et à la barbe de Snooze. C’était vraiment bon. Ouhla oui.

Je pense souvent à cette vilaine manie qui semble remonter à Mathusalem. Lorsque j’étais petit, j’ai souvent fait craquer ma grand-mère qui supportait de plus en plus difficilement le désordre légendaire de son petit fils. A l’époque, je ne me limitais pas aux sacs à merdes. Toute ma chambre était un gigantesque sac à merdes. Une véritable décharge à ordures, les odeurs en moins. Pour y rentrer, ma mère devait pousser très fort la porte afin de faire glisser sur le parquet tout le bazar entassé derrière. J’avais pour principe de ne jamais ranger ma chambre. Mon désordre (rien à voir avec le bipolaire) était organisé. C’est ce que disent généralement tous les bordéliques. Les Legos tapissaient une partie du sol, d’autres jouets et des vêtements le reste. Lorsque je sentais que j’allais passer un très mauvais quart d’heure, je me transformais en maniaque de la propreté et de l’ordre, mettait ma peau de sansougne au placard. Je briquais comme un forcené le moindre centimètre carré de mon territoire. Les reliquats terminaient naturellement dans mon coffre à jouet.

Un soir d’hiver, juste avant les vacances de Noël, j’ai cependant manqué de vigilance. L’erreur fut fatale. Telle la vengeresse masquée, ma grand-mère est passée me chercher à l’improviste à la sortie de mon école. Excédée, elle souhaitait me faire la leçon. Rien de plus simple. Il suffisait de prendre mon cartable et de renverser entièrement son contenu sur le trottoir, devant l’ensemble de mes amis et de leurs parents. Si mon cartable était petit, il contenant une quantité incroyable d’objets et autres trucs non identifiables qui n’avaient rien à faire dans mon sac et que je trimbalais en permanence avec moi. Je me souviens encore de la troupe de parents qui ne regardait que moi. Vexé comme un pou, je me suis tenu à carreau pendant au moins deux semaines (le temps des vacances). Ma mère devenait de plus en plus folle, elle qui rêvait d’imposer à tous ses invité le port du patin. Mon dieu, sa vie allait être un enfer. Elle avait enfanté le fils de Satan (au sens propre comme au figuré car mon père n’était pas mieux considéré que Belzebuth, à juste raison). Ma génitrice était à deux doigts de faire appel à un exorciste ou à la DDASS. Elle répétait sans cesse « désordre égal saleté, désordre égal saleté, désordre égal saleté ». Petit à petit, j’ai commencé à prendre le taureau par les cornes et à ranger mes affaires, étant toujours capable du meilleur comme du pire, en passant des jours entier à trier et à classer mes affaires.

Mes poussées de maniaquerie se sont accentuées avec l’apparition des boutons d’acné. Les hormones secrétées à l’adolescence ont été responsables de l’inhibition de mon gène grosse truie. C’était également une question stratégique. Un étudiant bordélique et désorganisé a peu de chance de survivre à la Faculté. Dont acte. Ce gène continue cependant de coder pour une protéine récemment identifiée (la chondrobordeline), protéine responsable des sacs à merde, du bureau bazar, mais également du sac à dos poubelle. Car j’ai finalement conservé ma vilaine manie d’enfance. Mon cartable d’adulte est toujours fourré d’objets improbables.

Des feuilles de papier, un moule à gâteau, des médicaments, encore des médicaments, toujours des médicaments, des lunettes, un couteau, des capsules Nespresso, une brosse à dents, du dentifrice, de vieux journaux, une canette de Coca-Cola light, des cartes, deux téléphones, des badges, des crayons, deux paires de gants, des clefs, des jetons de poker, un disque, un casque, une pompe à vélo.

On dirait presque une chanson de Boris Vian. Ah? Gudule!

31 commentaires sur “La complainte du progrès

  1. Le coup de la vaseline presque en plein milieu de l’écran : j’suis sûr que tu l’as fait exprès :clap_tb:
    Par contre, je ne suis pas le seul concernant les « bordels organisés », tu me rassures :jittery_tb:

  2. comme JM, je suis sûr que la vaseline est là pour attiser les commentaires, même si je crois me souvenir que tu en as un réel usage…
    par contre ta chaussette me semble un peu grisatre, ça m’étonne de toi, et je constate avec plaisir que je ne suis pas le seul à oublier de sortir Courrier de son emballage!

  3. Pas trouvé les capsules nespresso … par contre, peut-être qu’en glissant la vaseline dans le réceptacle prévu à cet effet, comme ça m’a l’air d’être le même format … 🙂 Tu l’as fait exprès, roidetrefle, j’en suis certaine ! …

  4. @ Toutes et tous: Oui oui ouiii j’ai toujours un pot de vaseline dans mon sac. Mais cette vaseline est spéciale pour plusieurs raisons: (i) elle est fabriquée spécialement pour les lèvres, (ii), me permet d’avoir des lèvres pulpeuses et hydratées du matin au soir, même après 1h30 de vélo (double effet protecteur et gloss), (iii) son parfum est divin, et (iv) j’adore ce petit pot en ferraille, très très pratique. J’en offre à tous mes amis. Rien à voir avec le gene grosse truie, non mais alors! :bye_tb:

  5. T’es rien qu’un menteur si ça se trouve … le tube de l’autre vaseline est caché dans la petite pochette avec l’ordonnance, mes yeux de lynx voient à travers le tissu noir … et en plus t’as de bien mauvaises lectures … Courrier International … manque plus que le Monde Diplo et t’es mûr pour finir chez Besancenot et consorts, toi … Ah, où va la France et ses chercheurs, j’vous l’demande un peu …

  6. En tout cas on peut remarquer que depuis le début du mois tu n’as pas oublié de prendre ta pillule tous les jours.Lol.
    Et qu’est-ce qu’il y a dans le petit flacon pas loin de la vaseline ?

  7. Merdum! Je me suis fait griller sur le magnifique blackberry qui est bleu finalement :blush_tb:

    J’ai remarqué un truc chez moi, plus mon sac est grand, plus il chargé de trucs aussi indispensables que tes bidules à toi.

    Attends deux secondes, je vais vérifier un truc…

    C’est ça, il y a 7 stylos dans mon sac (genre j’ai 7 mains), 3 carnets, et 5 clefs USB dont 3 rigoureusement identiques ce qui fait que je ne m’en sers jamais. :clap_tb:

  8. C’est amusant, je ne prend plus de sac pour cette raison, la dernière fois que je me promenais avec un vide poche à épaules, j’avais fini par me retrouver avec des objets aussi indispensables que des vis pour ordinateur et une vieille cartouche game boy de pokemon, et d’autres joyeusetés qui m’ont suivi partout pendant des semaines. :laugh_tb:
    Je crois qu’on est vraiment fait du même bois pour le bordel et la maniaquerie.

  9. 1 – Je ne vois pas le tampax ???????
    2 – Tu me fous les chocottes, je crois que j’ai un mini-roidetrefle à la maison (tu me prètes ta grand-mère ?)

  10. Je trimballe depuis juillet les « coins » des derniers pourboires gagnés chez sa majesté Lilibeth II que je n’ai pas changés en monnaie courante, et 1 capsule de bouteille de champagne Perrier-Jouët qu’on servait là-bas et qu’ils avaient fait faire exprès (le dessin dans la capsule, pas le champagne). Et puis un surligneur trouvé dans le métro, des trombones bien sûr, des bouts de papier, d’articles, de notes, une moufle (seule), un gant (seul), un carnet, deux trousseaux de clefs et la suite…

  11. Le sac à main de l’épouse modèle!…et fidèle…. :mad_tb:Dans ce bric à brac d’objets inutiles je ne retrouve pas le vieux préservatif périmé….l’aurait-il été utilisé??? :wub_tb:
    N’en était sur, Pénélope est une salope! :laugh_tb:

  12. Que tous ces lecteurs sont moqueurs! En fait, comme moi, tu peux répondre à toutes les demandes, même à celles non formulées. Exemple? On se plaint prêt de toi d’un mal de tête? Hop! un antidouleur. On tombe malencontreusement dans l’escalier et sous tes yeux, cheville enflée et tout le tintouin? Hop! une attelle avec un journal…
    Non, je le répète roidetrefle, les moqueurs ne comprennent rien au contenu de ton (mon) sac!

  13. Mais moi mon sacados ne contient que des choses utiles: mes 2 livres de portugais,mon classeur, mon petit carnet où je note quelques évènements insolites
    , maisaussi une liste de courses vielle de 6 mois, un bulletin d’abonnement à femme actuelle! 3 ou 4 papiers où sont notés des noms sans numero ou des numeros de tél sans nom :bye_tb: qui doivent avoir plus d’un an, des mouchoirs usagés ( une de mes garndes spécialités)et un préservatif(tiens une découverte surtout que ce n’est pas la marque que j’utilise!!!!!). C’est tout :laugh_tb:

  14. Oh, mein got :furious_tb: :furious_tb:
    Un spécialiste du bordel organisé, comme moi :furious_tb:
    Dans la série, montres-moi ton sac je te dirais qui tu es, j’adore le mélange « Le Monde », « Courrier Internaional », « Vaseline », moi, c’est Ipod, GQ…oeuphytose :blush_tb:

  15. Oh, mein got :furious_tb::furious_tb:
    Un spécialiste du bordel organisé, comme moi :furious_tb:
    Dans la série, montres-moi ton sac je te dirais qui tu es, j’adore le mélange “Le Monde”, “Courrier Internaional”, “Vaseline”, moi, c’est Ipod, GQ…oeuphytose :blush_tb:

  16. Ça me rappelle mes débuts en littérature (un peu long à expliquer, le lien de cause à effet).
    Sinon, je pratique de façon abusive pour ma part le « sac à papiers » : au bout d’un moment qu’ils s’entassent en vrac sur ma table de cuisine-bureau, je les glisse dans un sac, lequel subit ensuite des aléas variés pour finir un jour à la cave, non trié avec pêle-mêle des papiers important et des pubs ridicules qu’au premier coup d’oeil j’aurais dû jeter – mais impossible de jeter les sacs puisqu’il y a aussi des papiers importants -. Avantage : parfois en triant, quelques éternités plus tard, je retombe sur un bouquin qui s’était là glissé ou bien un texte que j’avais oublié et je suis reconstituée pour la journée (sentiment de découverte d’un trésor caché).

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