L’été meurtrier

Je devais avoir cinq ou six ans et passais quelques jours chez ma grand-tante à la ferme. Nous avions prévu de manger du lapin et n’avions qu’à nous servir dans le clapier. Ma grand-tante me proposa de l’accompagner et de choisir le plus gros. Je n’avais pas vraiment compris que le joli lapin dodu que j’allai choisir allait se retrouver dans mon assiette quelques heures plus tard. Elle le prit par les oreilles et lui explosa la tête avec un gros rouleau à pâtisserie. Elle sortit dehors, lui planta un crochet dans le cou et lui arracha d’un coup sec l’ensemble de sa fourrure. Je venais brutalement de me rendre compte que je vivais chez l’Antéchrist, et accessoirement que la viande que je mangeais depuis des années faisait de moi un cruel assassin.

En refermant le clapier, elle s’aperçut qu’une lapine avait accouché. N’ayant pas la place nécessaire pour élever une nouvelle portée, elle décida de prendre les bébés lapins et de les jeter aux poules cruelles, vicieuses et affamées qui se battaient pour déchiqueter et se partager ces innocentes victimes. Toutes sauf un adorable petit lapin que je décidais de cacher dans ma poche avant de quitter le lieu du crime. Quelques jours plus tard, je rejoignais mes grands-parents paternels en bourgogne pour passer le reste de mes vacances. J’emportais avec moi mon nouvel animal de compagnie, un ravissant petit lapinou chou chou tout noir. Ma grand mère lui refusa l’accès à notre maison, et me força à lui construire une cage de fortune dans la vieille maison située au fond du jardin, maison que nous n’habitions pas. L’endroit était toutefois idéal. Mon lapin allait avoir à sa disposition des dizaines de mètres carres de verdure. Trop chanceux le pimpin.

Quelques jours après mon arrivée, le gentil voisin débarqua dans le jardin avec un gros cochon tout rose. Gruik! Gruik!
Il souhaitait me montrer comment on préparait du boudin. Cela tombait vraiment bien, j’adorais le boudin aux pommes et au cidre que ma grand-mère me préparait. En quelques petites secondes, il sortit un grand couteau de son sac et trancha d’un coup la gorge du cochon qui hurla à la mort. Le sang atterrissait par généreuses giclés dans une grand cocotte pas très propre et un peu rouillée. Les cris s’accentuaient, le cochon se débattait encore et se vidait devant mes yeux. J’ai commencé à crier plus fort que lui. J’étais paniqué. J’allais être le suivant. La situation faisait rire le voisin. Je me suis naturellement précipité en direction des toilettes pour rendre le copieux petit-déjeuner que je venais d’ingurgiter.

J’avais heureusement un nouvel ami pour me réconforter. Plus pour très longtemps. La cage construite pour le lapin n’était pas vraiment solide. Un matin, un excès de gourmandise l’a poussé à s’échapper et a consommer du trèfle frais recouvert de rosée. Tout comme les ruminants (le lapin a longtemps été considéré comme un ruminant, voir lévitique), l’ingestion de trèfle ou de luzerne humide est responsable d’un trouble connu sous le nom de météorisation ou d’empansement. Les bestiaux deviennent quelques fois tellement enflés qu’ils peuvent en mourrir. La façon la plus rapide et efficace de les sauver est de planter une grosse aiguille dans leur estomac pour les faire rapidement dégonfler. Une autre méthode consiste à leur faire avaler une solution d’ammoniaque. Le lapin n’ayant pas une peau aussi résistante que le cuir d’une vache, mon lapinou chéri a explosé devant moi. Ses entrailles fumantes étaient répandues tout autour. Cet été fut décidément merdique et un peu gores.

Je n’ai mangé ni lapin, ni cochon pendant des années.

J’ai profondément haï ma vilaine grand-mère paternelle.

Elle est morte écrasée par une voiture quelques mois plus tard, juste avant d’avoir pu nous rapporter le gros gâteau qu’elle était partie nous chercher à la pâtisserie voisine un dimanche midi. Ses boyaux n’étaient toutefois pas répandus sur la chaussée :bye_tb:

36 commentaires sur “L’été meurtrier

  1. Mon grand-père, sataniste invétéré, quand il tuait un lapin de son clapier j’avais l’interdiction formelle de sortir de la maison pour ne pas le bastonner.
    Bah oué quoi il faisait du mal aux gentils lapins !
    :thumbdown_tb:

  2. Il y a des jours on ne regrette pas de savoir lire, on regrette juste d’avoir mangé avant! Moi, c’est un chevreau que j’ai refusé de manger. Le vice fut poussé jusqu’à prendre une photo avec lui avant.

  3. Je comprends maintenant mieux pourquoi monsieur est si choyé que ça :jittery_tb:

    Par contre, ce sont des souvenirs qu’il ne faut pas trop remettre sur le tapis lorsque la digestion se passe mal ! :clap_tb:

  4. J’aime bien vos récits gores, mais ça manque de bimbos blonde à gros seins, de nerds à lunettes, de jocks sportifs en tenue, d’un black, d’un asiat (On a le token gay donc ça va, on est presque dans les standards) pour une adaptation Hollywoodienne. Encore que l’explosion cuniculaire vaille son pesant de cacahuètes.

    On peut tenter une adaptation à la Française mais je crains que ça ne tienne pas la route (en plus on va devoir inclure Kad Merad, Gad Elmaleh à l’affiche, alors non.)

  5. ah, bon sang, pareil… un été en Bretagne, et moi, naïve comme tout devant le clapier, un beau gros lapin, la fermière me le fait admirer… Tu parles, pour me dire, deux secondes après, qu’il fera un superbe civet… j’ai encore du mal avec le lapin…

  6. Ta grand tante manquait singulièrement de technique : c’est pas par le cou qu’il faut le suspendre, le lapinou, mais par un oeil, au choix, le droite ou le gauche, c’est indifférent, mais ça guérit radicalement le lapinou de sa myxomatose !
    Sinon pour ta mère grand, j’oserai parler de « justice immanente », n’est-ce pas … ?
    Moi pareil : lapin + poules (sauf que non, les petits on les gardait, pour les manger plus tard mais on les gardait), et pis aussi le cochon, mais j’assistais qu’à la cuisine, pas à la tuerie, je vivais pas chez les sauvages, moi Môssieur … mais je n’ai jamais pleuré sur un cochon que, par souvenir de guerre, on appelait systématiquement Adolph !

  7. Eh oui ! Il n’y a que les fachos et les couillons pour croire que la campagne est un lieu bucolique, tendre et animé d’intentions naturellement bonnes, car le paysans un homme vrai et doux ! Quiconque a été médecin de campagne pourra commenter cette illusion grossière !
    Je ne sais plus quelle maîtresse de Louis XIV (ou de Louis XV) avait écrit à sa fille en visitant ses terres :  » faner c’est batifoler dans un champ « . Si t’as aussi « fait les foins chez ta grand-mère, tu ne me contrediras pas, n’est-ce pas ! Faner, c’est vraiment s’amuser dans les près avec les lapins !

  8. Quand j’étais petit, avant que mon papa ne lui enlève son pyjama, je tenais le lapin par l’oreil, pour que gorge tranchée et pendu aux poutres du garage le lapin se vide proprement de son sang, dans le sceau, sans en mettre partout.

  9. Le lapmin, mon grand père il le pendait et lui crevait l’oeil. Moi j’aimais bien le lapin (dans l’assiette) et surtout quand le peaucier venait acheter la peau de lapin, c’est à moi qu’on donnait la pièce de monnaie de la vente de la peau de lapin !

  10. Ma grand-mère colle un bon coup de bûche puis arrache un oeil aux lapins pour qu’ils se vident de leur sang, puis enlevé le « pyjama », nous on récupérait les pattes parce que ça porte bonheur ^^

    L’enfant est la fois monstre et innocent

  11. Là roidetrefle tu me déçois! tu es auvergnat ou quoi :mad_tb:? je suis surpris que ta grand-mère ne connaisse pas le moyen radical de tuer le lapin sans trop le faire souffrir:
    – tu le prends délicatement par les pattes de derrière avec la main gauche et avec le tranchant de la main droite tu lui donnes un coup violent derrière les oreilles. Après on peut le saigner tranquillement , le déshabiller, et le vider, il sent plus rien:-)
    -Pour le cochon alors là ces bourguignons ils n’y connaissent rien :devil_tb:: On tue le cochon uniquement en hiver jamais en été: on l’attache sur un banc, on lui ficèle les mâchoires et le saigneur lui fait juste une petite entaille dans la carotide de rien du tout il sent rien le cochon, s’il crie c’est qu’il a peur.
    Et tu peux examiner avec attention tous les organes qu’on tout pareil nous autres. C’était vachement intéressant et j’aimais bien moi quand j’étais gamin :huh_tb:

  12. Le coup du lapin on me l’a fait aussi chez une cousine fermière. « Clac » que ça fait le coup du lapin et ensuite « flac » d’un coup pour retirer la peau.
    Mais j’ai pas gerbé moi. De toutes façons, plus rien ne pourra me faire gerber car j’ai résisté aux délicieuses asiatiques qui se chient et se vomissent dans la bouche :clap_tb:

  13. Je ne m’attendais pas a cela….

    mais j’imagine bien aujourd’hui comment certains fermier, certains campagnard pourrait prendre ce genre de malin plaisir avec des petits parisien qui croient que le jambon pousse dans les arbres…

  14. Moi, j’aime pas la campagne.
    Par contre, j’aime bien la viande.

    Je suis par contre suffisamment au courant des choses pour comprendre qu’il ne faut jamais JAMAIS savoir comment « ils » font pour faire de la viande. La viande est à son état naturel sous plastique au supermarché.

    Après cette description champêtre et bucolique, je sens que je vais être végétarienne pendant au moins deux semaines. :bye_tb:

  15. On l’attache par la patte que l’on garde ensuite comme porte bonheur car elle est la seule à ne pas être « dépoilée » et le sang se vide par l’oeil dont on a vidé la cavité! Pff! Aucune technique! Pas étonnant que tu aies des vapeurs … Quant au cochon …. tout comme lo Grehl ….

  16. hahaha, comme les autres, je ne m’attendais pas à ce genre de lecture; c’est bien, hein, ton blog est toujours un peu plus surprenant, tu sais ferrer ton lecteur ^^.

    D’un certain côté, je suis mort de rire à la lecture, parce que tu prends de la distance, mais pauvre petit, comme tu as du être traumatisé cet été là !

  17. @ Moktoipas: la dure vie de la chaîne alimentaire… :happy_tb:

    @ Vincent: my pleasure. :king_tb:

    @ Gamacé: les deux mon capitaine. :jittery_tb:

    @ Pascal: sans dec’, ça marche du tonnerre. :king_tb:

    @ dom: qui finissaient dans ton assiette. :jittery_tb:

    @ Calystee: c’est du vice, non? :bye_tb:

    @ JM: comme un coq en pâte. :bye_tb:

    @ Saperli: un avant goût de Halloween. Ah zut, c’est Pâques… :huh_tb:

    @ Fab: nous avions la même grand mère? Mais nous sommes cousins alors! :huh_tb:

    @ Leto: J’y pense pour un prochain billet! :thumbup_tb:

    @ Mina: Même avec des pruneaux? :happy_tb:

    @ Manue: Justice divine… Si elle m’entendait. Aïe… :blink_tb:

    @ Saa: et pédé tu deviendras. pas de bol, hein? :jittery_tb:

    @ JM: j’avais bien compris, hi hi. :laugh_tb:

    @ Yann: j’ai aussi fait les foins, et je confirme. :thumbup_tb:

    @ Patapouf: Je sais quoi t’offrir pour ton anniversaire. :jittery_tb:

    @ Al West: Ah non tiens, j’ai oublié. :bye_tb:

    @ Sasa: tu comptais manger du lapinou? :huh_tb:

    @ Madeleine: Oui, tu es ma Madeleine à moi. :jittery_tb:

    @ Fab: tu es mon Fabounet à moi. :king_tb:

    @ h: La prochaine fois, je parle de chat. :clap_tb:

    @ Kigou: Et c’était le meilleur des lapins du monde, non? :bye_tb:

    @ Fabien: Ah oui, il y avait aussi les pattes, je m’en souviens aussi. :furious_tb:

    @ lo grelh: Merci du conseil. Je vais aller acheter un lapin nain sur les quais et tester ta méthode cet après-midi. :annoyed_tb:

    @ MarcelD: Pipi culotte. :laugh_tb:

    @ Fab: Mais moi aussi. Merci Marcel! :devil_tb:

    @ The 6L20: Il faudrait penser à organiser des stages pour les écoliers parisiens. :furious_tb:

    @ Paperblank: La semaine prochaine, le steak haché! :dunce_tb:

    @ BBGS: Je ne me souvenais pas de ce détail. Mais maintenant que tu en parles… :mad_tb:

    @ JeandelaXR: A la maison, je les collectionne. :jittery_tb:

    @ Valérie de haute Savoie: Bon appétit! :jittery_tb:

    @ Alexandre: surtout par l’explosion! :blink_tb:

    @ OochyKoochy: Nous allons tous finir végétariens. :thumbup_tb:

  18. Je ne commente jamais mais alors là: Whaouhhh!!!

    Moi non plus je ne mange pas de lapin. J’aime pas le goût et c’est pour moi trop apparenté à un animal de compagnie.

    Par contre peux pas me passer de boudin…

    (et dis psychopate, la fin sur la grand mère c’est du faux hein?)

  19. C’est horrible… mais c’est exquis.
    J’ai du retard dans mes lectures de flux RSS. Je viens de lire ce post, et je suis encore plié en deux sur mon tabouret :clap_tb:

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