Nespresso: l’art du café, mais également celui de prendre le bobo pour une vache à lait, et de se tamponner bien profond du recyclage des vilaines capsules de la mort qui tue.

Il y a quelques années, je me suis réveillé en me faisant une sacrée promesse: arrêter de fumer. J’y pensais déjà depuis plusieurs semaines. Je fumais depuis une bonne dizaine d’année et être dépendant, d’une façon ou d’une autre à la cigarette, m’était devenu insupportable. J’ai eu rapidement envie de m’en griller une. J’ai bu un verre d’eau, puis deux, puis trois, puis quatre. Une fois la vessie pleine et prête à exploser, je me suis dirigé vers la pharmacie la plus proche, non pas pour acheter des couches pour adultes, mais une boite de substituts nicotiniques. Me coller un patch sur la fesse gauche n’a pas suffi à supprimer mon envie de clope. Je m’en suis donc collé un second sur l’autre fesse et un troisième sur le bras. Quelques heures plus tard, je tremblais comme une feuille et je tachycardais. J’ai tout arraché et ai tenté de trouver un autre substitutif. Je l’ai rapidement trouvé: le café.

Je n’avais jamais bu de café auparavant. Je n’associais donc pas petit noir et clope. A chaque envie de cigarette, je me préparais un café. J’ai ainsi vite découvert le système Nespresso et ses capsules magiques magiques. J’avais à ma disposition une jolie machine dans ma cuisine et une autre au bureau. Le concept est parfait. La firme suisse commercialise des dosettes de café à arôme préservé par encapsulage, uniquement utilisable dans des machines exclusivement conçues pour le système. Une dizaine de grands crus sont disponibles, à un prix de vente moyen de l’ordre de trente centimes pour une capsule (environ dix fois plus que le coût d’une tasse de café ordinaire). Le gentil consommateur (âge moyen de trente-cinq ans, CSP +, quatre commandes par an) doit se sentir unique, choyé, et doit croire que, contrairement aux salauds de prolétaires de son entourages qui restent fidèles au café grand-mère, il mérite, en grand connaisseur, un café d’excellence.

Car même si elle ne connaît rien au café, la cible, qui peut/doit payer le prix et qui est captive, doit être persuadée d’être spécialiste de la spécialité et surtout d’être fière de faire partie du club très fermé des possesseurs de machine Nespresso, soit presque toute la France maintenant. La firme personnalise très facilement ses offres car elle connaît les noms et les coordonnées des clients (l’actualisation se fait par les clients eux mêmes lorsqu’ils commandent), la date d’achat des machines à café, les modèles, et le suivi de la consommation. Le client se sent donc choyé. Lorsqu’il visite une boutique, il est reçu par des vendeurs, impeccablement vêtus, à l’air hautain*, qui ne manquent pas de vanter les qualités du nouveau cru en édition limitée ou des délicieux carrés de chocolat qui accompagnent merveilleusement un café Cosi, Roma ou Volluto. Une élégante publication sur papier glacé est même distribuée aux meilleurs clients (appelés « membres »). Un produit exceptionnel pour des êtres exceptionnels.

Oui mais voila. Le membre peut vite se sentir frustré d’être totalement dépendant de la firme helvétique et rapidement comprendre que le café proposé est standardisé. Nespresso est au café ce que Twinings est au thé. Une compagnie qui commercialise un produit de qualité acceptable, mais loin d’être le meilleur. Quoi de plus agréable qu’un mélange adapté et personnalisé par un torréfacteur? Serait-il imaginable que le thé ne soit disponible qu’en sachet? De plus, certains cafés rares à l’arôme incomparable restent deux fois moins chers que les capsules vendues uniquement par dix à plus de soixante euros le kilogramme. Côté environnement, on encule à sec Mère Nature et toutes ses ouailles. La firme pousse le vice à communiquer sur le caractère écologique de son produit en mentionnant (i) que le recyclage de l’aluminium représente un gain d’énergie de 95% par rapport à l’aluminium de première fusion et préserve ainsi les ressources naturelles et que (ii) le recyclage du marc de café réduit la quantité de déchets et sert à la fabrication de fertilisant naturel. Pris séparément, la thèse tient la route. Oui mais.

Nestlé ne mentionne pas clairement que ses capsules ne peuvent être jetées dans les bacs de tri sélectif à cause du marc de café toujours présent à l’intérieur. Le gentil membre a donc deux options pour respecter au mieux la planète: (i) ouvrir toutes les capsules consommées, vider le marc dans son jardin ou ses jardinières, rincer l’aluminium et le jeter dans les poubelles jaunes, ou encore (ii) rapporter ses capsules usagées à la boutique Nespresso la plus proche. Un bac à collecte est même proposé pour la modique somme de vingt euros. Le récipient hermétique, au design élégant, permet de collecter jusqu’à 100 capsules usagées et facilite le transport jusqu’aux points de collecte, en toute propreté. Cependant, si le consommateur opte pour ce système, c’est avant tout pour son côté pratique. Pourquoi se salir en conservant les capsules ou en séparant le marc de l’aluminium. Contrairement à la Suisse et ses milliers de points de collecte, il n’est pas prévu de proposer au consommateur français une telle option. La méthode aurait un coût exorbitant. De toutes les façons, toute personne n’ayant pas la nationalité suisse est obligatoirement une porcasse, non? Et il est bien plus simple de fermer les yeux ou de faire semblant.

L’argument principal prend donc l’eau et il est donc absurde de penser que l’objectif de la compagnie est de préserver l’environnement en limitant l’emprunte écologique du produit qui reste énorme. L’objectif est de vendre un maximum, en utilisant toutes les ficelles, dont celle de rendre le consommateur totalement dépendant du système, à l’image de la relation entre l’accro à la cigarette et son buraliste. La boucle est donc bouclée. En attendant, Nestlé sert les fesses car le brevet qui protège les capsules tombera en 2012. Le plus low cot des hard-discounteur pourra ainsi proposer entre le rayon produits ménagers et le rayon hygiène intime des capsules de café à un prix bien inférieur à celui proposé par Nespresso. Le produit perdra ainsi son statut d’exception en se banalisant. Un Nespresso pour les prolos, mon dieu, quelle horreur. Beuark.

Nul doute que Neslé propose d’ici quelques mois un autre système, certainement exceptionnellement exceptionnel. En attendant, je vais bientôt acheter un petit frère à mon Kitchenaid d’amour.

Leurs percolateurs sont splendides et tellement chics. :bye_tb:

*Grand merci à la fille aux craies :clap_tb:

26 commentaires sur “Nespresso: l’art du café, mais également celui de prendre le bobo pour une vache à lait, et de se tamponner bien profond du recyclage des vilaines capsules de la mort qui tue.

  1. Ah mais j’ai refusé d’acheter une machine Nespresso à cause des capsules. Recycler recycler ça utilise toujours plus d’énergie que lorsqu’il n’y a pas d’emballage (enfin moins). Et comme tu le décris si bien la dépendance à une marque, ne devoir acheter que cette marque, mouais.
    Je lis régulièrement depuis quelque temps sans me sentir autorisée à commenter, mais j’adore !

  2. Au tout début de ton billet j’allais comparer Nespresso à une sorte d’Apple Store du café. Mais non. Sauf que les effets addictifs sont finalement les mêmes…
    (et attend que l’Apple Store du Caroussel du Louvre ouvre, tu vas comprendre que le Nespresso c’est une blague à deux balles par comparaison. N’y met JAMAIS les pieds!) :bye_tb:

  3. Je souris, forcément, puisque j’ai travaillé sept ans pour la filière « café » de Nestlé. Et je corrigerais : non, toute la France ne s’adonne pas aux capsules, loin de là. La machine flatte, mais tu bois du café vietnamien dégueulasse à un prix exorbitant :annoyed2_tb:

  4. Je suis bien d’accord et c’est pourquoi j’ai une machine à dosettes papier que je mets directement au compost pour faire pousser mes salades. Et je l’utilise le plus souvent avec du café moulu par mon torréfacteur, un petit maragogype du brésil, frais et acidulé comme j’aime. Rien à voir avec ce que propose la firme suisse. Son seul mérite à mes yeux c’est d’avoir utilisé la belle gueule de Clooney à qui on a effectivement envie de payer un café ! :clap2_tb:

  5. Mais qui est le vilain-méchant, ou alors un pote à toi manageur chef de produit chez la marque en question qui t’avais offert cette machine à devenir dépendant ? (et pas écolo)… ! pfff :huh_tb:

  6. Du temps où j’avais une machine nespresso, je rapportais les capsules à un revendeur qui avait une énorme poubelle à collecte. Et puis la machine est tombée en panne, je me suis rabattue sur une percolatrice qui supporte toutes les dosettes et qui permet même d’utiliser un café classique.
    Moi aussi je suis une ancienne fumeuse qui suis passée de trois paquets à trente tasses par jour :huh2_tb:

  7. Ma machine seb supremia qui accepte les dosettes souples pas cheres et le café moulu me va a merveille
    Ok c’est moins classe et elle a failli prendre feu après 2 mois (et youhou un echange standard)
    Il faut reconnaityre que le must est la percolation a haute pression avec un café moulu que l’on choisi soit même (un truc de pro pas un truc bling bling) mais la faut se prostituer …aupres du commercial vendeur de machines …

  8. Personnellement je ne suis pas du tout adepte de Nespresso :annoyed2_tb:
    Depuis le temps que j’en entendais parler (en pub, chez un blogueur accro ou dans les différents magasins qui en proposaient), j’ai saisi l’occasion, qui m’a été donné fin d’année dernière, pour en goûter un lors d’une degustation de démontration… Verdict : pas du tout pour moi !
    Déjà je ne suis pas acco à l’expresso mais alors là, j’ai été vacciné à vie :laugh_tb: .
    Je préfère de loin une bonne tasse de Senséo mais encore faut-il que la machine n’explose pas trop tôt :clap_tb:

  9. J’ai un mal de chien à lire ce billet vu qu’il y a un beau brun qui me fait de l’oeil, du coup, je vais continuer à consommer bêtement une centaine de capsules par an (et oui, de tout petits consommateurs, ça existe), en rêvant au jour où George « What else ? » Clooney viendra s’en faire un dans ma cuisine… rhaaaa !!! :blush_tb:

  10. Café et cigarette font bon ménage : ce sont des stimulants tous les deux. Quand on arrête de fumer, doit on aussi cesser le café ? Certains disent oui. Pour ma part, je ne crois pas que ce soit un problème, sauf qu’après un petit noir, habitudes et autres facteurs de dépendanace aidant, on aura envie d’une petite clope. Bon, c’est surmontable si on est prévenu. On peut même prendre le café avec ses copains fumeurs, ça ne gêne pas…

    Par contre un gros buveur de café sera amené à réduire sa consommation après l’arrêt. Il y a un phénomène curieux : la stimulation d’une cigarette est amortie par le café et la stimulation du café amortie par celle de la cigarette. Si on continue de boire autant en arrêtant, on va effectivement avoir le coeur qui bat la chamade. Alors on réduit spontanément.

    Ma recommandation est de laisser faire cette auto-régulation. Tant qu’à faire, déguster des bons cafés pour se régaler…
    unairneuf.org

  11. La seule fois où mon mari m’a emmené au ravitaillement nespresso, j’ai cru qu’on s’était trompé de boutique. C’est pas une bijouterie ? Avec ces mecs au visage lisse en costard cravate hyper bien taillé, c’est eux qu’on aurait cru tout droit sorti d’un catalogue glacé. Euh il est à emporter aussi le bo brun là ?

  12. Ça alors, c’est dinguement fou, pas plus tard que la semaine dernière, moi et mon autre, potassant l’achat d’une cafetière cadeau, nous livrions au même genre de déconstruction critique du système What Else, sauf qu’on savait pas qu’ils se vantaient d’être propres et qu’on comparait plutôt ça à la fausse bonne idée attrape-couillons des lingettes ultra-chères jetables, cartouches d’imprimantes et autres « consommables » qu’à la cigarette – mais pour le reste hein, tu sais ce qu’on dit des grands esprits :thumbup_tb: …

  13. A la lecture de ton billet culpabilité garantie… et puis quand tu lis ça dans les commentaires: « tu bois du café vietnamien dégueulasse à un prix exorbitant  » … tu es pris d’un spasme de l’estomac atroce …. et à la culpabilité s’ajoute le sentiment de s’être fait b… excuse pour la crudité !!!

  14. M’en fous! Je bois du thé vert! Un avec le moins de théine possible et un second avec le moins de tanin possible.
    Et Georges Clooney il boit pas de thé parfois? :bye_tb:

  15. Outre l’aspect écolo, Nespresso et tous les systèmes similaires favorisent une standardisation du goût en offrant un panel relativement limité de crus dont les arômes se doivent de rester rigoureusement identiques d’une capsule à l’autre, d’un paquet à l’autre…
    A bas ces machines infernales, vive le café moulu acheté le samedi matin chez son torrefacteur préféré, ou dans toute autre boutique où se terrent en silence quelques amateurs encore rebelles.

  16. petite machine à moka, à l’italienne (prendre une taille adaptée au café qu’on va faire : surtout pas trop grande, ne JAMAIS la laver au produit à vaisselle, la détartrer parfois au vinaigre blanc bouilli – surtout à Paris, etc). Ah oui c’est moins fun que de se prendre pour Clooney et le « prout prout » qui indique que c’est prêt est moins glamour…

  17. bon ben dans ce concert de louanges, j’apporte la mienne! j’apprécie de temps en temps un petit serré en double dose Nespresso! par contre je ne supporte pas le thé en sachets et ne consomme avec modération que des mélanges sélectionnés achetés à un petit négociant du coin chez qui il est encore possible de bavarder (et il offre même une tasse de petit noir bien tassé, mais rarement à mon goût) attention comme on dit en Belgique, je suis une Marèye Cafè , c’est à dire que j’en bois quelques bols par jour en plus de ma gaterie Nespresso (Douwe Egberts Moka noir sans sucre)

  18. @ Malgven: Merci Malgven! :jittery_tb:

    @ Fab: Trop tard, j’ai déjà testé plusieurs Apple stores! Aïe… :mad_tb:

    @ Kab-Aod: Vas-y, balance. :clap_tb:

    @ Oïnkari: reste donc à trouver un torréfacteur qui ressemble à Clooney. :bye_tb:

    @ Gamacé: Mais c’est moi, comme un crétin! :mad_tb:

    @ Saperli: Et bien justement, pas vraiment. Au bout de 3 ans, ma machine a cramé. Plus de 80 euros pour voir le calcaire niquer définitivement la bécane. Et dire que j’en ai racheté une autre… :devil_tb:

    @ Valérie de haute Savoie: J’imagine la tête des vendeurs si je me pointe avec plusieurs centaines de capsules bien dégueulasses un samedi en plein rush. :annoyed_tb:

    @ fiuuu: Ah oui, j’ai lu cette histoire d’explosion. Dingue ça! :blink_tb:

    @ JM: Moi aussi j’aime le pisse mémé. :jittery_tb:

    @ Anne: Je connais ton tropisme pour les tempes grisonnantes. :clap_tb:

    @ Randall: ou passer au thé… :dunce_tb:

    @ linkiseb: Oui oui oui! :furious_tb:

    @ kiss75: Il est vrai qu’ils soignent la présentation. Ils sont craquants, hein? :bye_tb:

    @ Janu: Et avez-vous fini par craquer? :bye_tb:

    @ Madeleine: J’adore le mélange! :king_tb:

    @ BBGS: et d’avoir exploité tout plein de gens? :blink_tb:

    @ Fille Aux Craies: Ah ben quand même, encore merciii! :jittery_tb:

    @ MarcelD: Jamais, c’est pas un pédé! :king_tb:

    @ Christophe: Les vendeurs sont encore plus craquants que George C. :blink_tb:

    @ Victor: Prochain billet sur le marketing ou la finance. :bye_tb:

    @ Tambour Major: Vive la rebelle attitude! :king_tb:

    @ Kigou: J’en ai une à la maison mais je ne sais jamais bien doser le café. Je n’arrive pas à avoir quelque chose de doux. :thumbdown_tb:

    @ Joseph: Moi aussi je suis aux bols… :blink_tb:

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