Ich bin (ein) Berliner

Lorsque je je suis entré en sixième, ma mère était persuadée que les meilleures classes étaient celles qui proposaient Allemand en première langue vivante. J’ai donc été condamné, comme des milliers de collégiens, à apprendre la langue de Goeth jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ma maman chérie ne pouvait certainement pas anticiper que j’allais être extrêmement résistant à l’Allemand, et qu’elle allait devoir m’exporter deux fois par an outre-Rhin, pendant les vacances de Pâques et au mois d’août. Un mois par an à manger de la bradwurst, du schwarzbrot, me pourrir les chicots avec des bonbons Haribo, et boire de l’Apolinaris ou du jus de pomme. Seulement voila, il fut un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, le temps de la guerre froide, de la menace thermonucléaire, de l’Allemagne de l’Ouest et de l’Allemagne de l’Est. We don’t need no education, we dont need no thought control. No dark sarcasm in the classroom. Teachers leave them kids alooooone. Tout ça tout ça.

Linguistiquement discutables, ces semaines de vacances étaient de véritables bouffées d’oxygène. J’étais loin de ma famille, immergé dans une culture différente de la mienne, et rencontrais généralement des gens charmants. Les voyages linguistiques étant compliqués à organiser à Berlin, je n’ai visité que la partie Ouest du pays. La ville était donc en top priorité sur ma shopping list. Une seconde raison nous poussait à Berlin. Une partie de la famille de Snooze y habite toujours. Mon nain de mari n’avait jamais mis les pieds à l’Ouest car cette branche fut coincée pendant presque trente ans au pays des soviets. Lorsqu’il était petit, et contrairement à moi, il ne se rendait qu’en République Démocratique sans pouvoir franchir des différents checkpoints. Son père le conduisait en voiture en planquant nourriture et devises un peu partout dans le véhicule. Ils sont vraiment forts chez les Snooze.

C’est donc en mode Vincen_t et 42 Faubourg, puis en mode « adorable chaton ronronnant » (coucou à Popincourt) que nous nous sommes envolés pour Berlin. Snooze avait choisi l’hôtel, inventeur de l’Heavenly Bed, un matelas d’une trentaine de centimètres d’épaisseur, d’une taille idéale permettant de ne pas avoir la moindre chance de toucher un bout de son mari et ainsi dormir en paix. L’hôtel était idéalement situé sur la FriedrichStasse, entre la porte de brandebourg et l’île aux musées. Nous nous sommes rapidement dirigés vers l’Est jusqu’à Karl Marx Allee en réalisant un pèlerinage dans la petite enfance de mon chéri, tout ému de retrouver certaines traces de son passé. Côté architecture, l’Est a été aussi ravagé que l’Ouest (et je ne parle pas des bombardements). Les austères façades staliniennes ont été ravalées. Certains bâtiments symbolisant le pouvoir communiste ont été rasés. L’Est a été donné en pâture aux requins de l’immobilier, poussant de nombreuses familles à quitter la ville. L’emblème le plus marquant est le Palais de la République. Cet horrible bâtiment orange alors situé face au Berliner Dom sur l’île aux musées fut un point central des manifestations de 1989. Après la chute du mur, il ne fut jamais entretenu. Il fut donc naturellement rasé il y a quelques mois, comme si les traces du communisme devaient être effacées du paysage berlinois. La reconstruction façon Disneyland étant une spécialité germanique (voir Munich), il est question de reconstruire le château baroque qui se trouvait à a place avant le bombardement de la ville.

Nous n’avions que quatre jours pour visiter la ville et sommes restés le plus souvent dans la partie Est. Unter den Linden reste la voie centrale et permet d’atteindre rapidement la tour de la télévision puis l’Alexanderplatz, véritable cœur de Berlin Est et pendant populaire de la Potsdamer Platz. La ville se prépare à fêter les vingt ans de la chute du mur et de nombreux panneaux retraçant le proche passé de la ville ont été temporairement installés sur cette place.

L’île aux musée est le siège du Bodemuseum (art byzantin), de l’Altes museum (Antiquités), de l’Alte Nationalgalerie (XIXème siècle) et surtout du magnifique Pergamonmuseum abritant la gigantesque façade de l’autel de Pergame, mais également la porte du marché de Milet et la porte bleutée d’Ishtar de Babylone. Nous n’avons malheureusement eu que moins de deux petites heures à consacrer à ce dernier musée. Nous avons profité d’une journée ensoleillée pour nous perdre dans le Tiergarten, le « Central Park » berlinois, ou randonneurs et cyclistes côtoient nudistes et adeptes de la relaxation, et rejoindre puis visiter le château de Charlottenburg. Nous n’avons pas délaissé la partie Ouest en franchissant le Checkpoint Charlie, en nous dirigeant vers l’imposant Sony Center, l’Holocaust Mahnmal et enfin le Parlement et sa coupole contemporaine. Seul petit point négatif, la difficulté à trouver des points Wi-Fi. Il parait cependant qu’il est prochainement prévu d’équiper la ville. Le sevrage fut cependant très douloureux.

Je suis donc agréablement surpris par cette visite. J’ai également été enchanté de rencontrer la famille de Snooze, de dîner en leur compagnie et de constater que huit années d’allemand avaient laissé des traces (danke sehr Rolf und Gisela). Il fallait donc juste relancer la machine. Bien que ma grammaire reste très approximative, j’arrive encore à m’exprimer et à me faire comprendre. Les Snooze Allemands comprenant et parlant comme ils le disent le français comme une vache espagnole, nous n’avions besoin d’aucun interprète pour communiquer, juste d’un petit dictionnaire placé au centre de la table. Nous avons terminé la soirée par un Berlin « by night » et atterri dans le Quartier bien vivant des Hackeschen Höfe, ou bars et restaurants branchés alternent avec des grappes de prostituées déguisées en Sailor Moon.

Et pendant ce temps là, Monsieur Lapin s’enfilait de grosses saucisses, le gourmand.

Berlin reste donc une ville dynamique, accueillante et pleine de surprises. Le vieux con qui sommeille en moi trouve cependant d’un goût douteux le commerce réalisé autour de l’ex DDR et de sa police, ou même le manque de respect de certains touristes se perdant entre les centaines de stèles en pierre noire érigées afin ne jamais oublier les victimes de l’holocauste.

Le vrai point négatif du long week-end reste donc le retour à Paris, qui reste décidément une ville anxiogène et étouffante. :bye_tb:

En fait, j’ai un peu les boules, là, maintenant, tout de suite. :annoyed_tb:

18 commentaires sur “Ich bin (ein) Berliner

  1. « Le vrai point négatif du long week-end reste donc le retour à Paris, qui reste décidément une ville anxiogène et étouffante. »
    Là pour le coup, je t’approuve à 100 %. J’y ai passé quelques jours lors de mes déplacements pour mes séminaires et la première chose que j’ai appréciée, c’est de quitter Paris à la fin. J’aime bien cette ville mais y vivre serait un véritable tour de force pour moi :bye_tb:

  2. Et moi j’ai retrouvé ces jours-ci avec joie mon ancienne correspondante allemande (ou plutôt : elle, moi, grâce à facemuche et mon nom peu courant), et oui, tout ça est un peu rouillé (mon allemand) mais ça revient bien, en tout cas l’écrit (merci Rilke, d’avoir entretenu, quoique d’un air désuet).

    Paris anxiogène : je ne trouve pas ou ponctuellement pour cause de mauvaise période politique – mais la ville elle-même n’y est pour rien -. :huh_tb:

  3. Aaaahhhh Berlin!!!! J’adore!
    Chez moi, une partie de la famille est restée coincée à l’est tandis que l’autre n’a pas bougé de son Badwurtemberg natal. Quand ceux de l’Est nous rendaient visite en Souabie, ils pensaient que les magasins avaient été remplis pour les éblouir. Une sorte de propagande….

  4. De passage, juste le temps de compatir avec émotion sur le terrible traumatisme laissé par la Weber Familie qui m’a également touchée. Aujourd’hui encore, je me mets à trembler d’angoisse lorsque, au hasard d’une banale conversation amicale, quelqu’un remarque que Vati sucht seine Pfeiffe…
    :laugh_tb:

  5. Cela va mieux aujourd’hui ? Je crois que nous allons terrasser ensemble dans quelques jours…

    J’aimerais bien aller à Berlin, encore plus maintenant que je viens de lire ton billet, et de suivre ce farceur de Monsieur Lapin.

    Quand je reviens à Paris, c’est vrai je trouve que le calme et la verdure me manquent !

  6. roidetrefle!
    En lisant ton billet je viens de me rendre compte que toi aussi tu as eu le meme bouquin d’Allemand que moi a l’ecole. Rolf qui voulait boire de la biere, Gisela et ses soirees folk au coin du feu avec ses cheveux a la Francoise Hardy! Ces bouquins m’ont traumatise!!!lol

  7. Oh trop la chanceuh !!!
    Ma soeur est en Erasmus à Berlin cette année, voilà la chose la plus injuste de la terre (entière)(au moins).
    Et mes parents font un grand road-trip en voiture pour aller la chercher la semaine prochaine, mais vu l’avancement de mon mémoire, ça m’étonnerait que je puisse participer. bouhouh… :thumbdown_tb:
    C’est bô Berlin :o)

  8. La partition berlinoise m’a toujours fasciné et avant d’y passer 15 jours en juillet 1988, j’avais beaucoup lu sur la ville. Cependant, la vision réelle du Mur dépassa tout ce que j’avais pu imaginer.
    J’y suis retourné en 2000. Cela reste une ville unique mais il ne reste rien de tangible du Mur.

    Une journée à l’Est m’a serré le coeur. Alors j’aimerais beaucoup lire le témoignage de Snooze sur ses séjours en RDA dans sa famille…

    Cette ville est sans doute la capitale européenne avec le meilleur cadre de vie (espace, verdure, coût de l’immobilier). Le revers est sa situation géographique qui fait qu’elle n’a toujours pas décollé.

  9. C’est marrant, ca me rappelle des souvenirs de mon enfance…j’ai passé deux étés à Berlin, mais dans la partie DDR…en fait je n’ai jms visité l’ouest…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *