La machine à remonter le temps

C’est en fin de repas pantagruélique organisé par ma douce maman que nous sommes revenus sur le passé, et plus particulièrement sur les douces années de mariage de mes parents. Ma mère a toujours été une jolie dinde naïve qui a rapidement été charmée et conduite devant l’autel pour le meilleur et pour le pire. Cinq années plus tard, elle est tombée enceinte, et tadaaah, je débarquais en braillant, non pas entouré d’un âne et d’un bœuf, mais de vieilles infirmières proches de la retraite à la maternité de l’hôpital Boucicaut. Quelques mois après ma naissance, maman roidetrefle s’est aperçue que mon père passait son temps libre à la cocufier avec une hôtesse de l’air, puis avec l’une de ses collègues de travail (feu ma future belle-mère, que son âme repose en paix).

Action, réaction. Le syndrome Linda de Souza s’est emparé d’elle. Non, elle n’a pas été subitement atteinte d’hirsutisme. Elle a juste choisi sa plus belle valise en cuir rouge, et a quitté le domicile conjugal, emportant sous l’autre bras son fils, larguant de facto mon père, ses maitresses et sa belle famille un peu toxique. Repartant de zéro, elle a rapidement été obligée de se construire une nouvelle vie, en faisant notamment retaper notre vielle maison auvergnate, construire une autre maison proche de la première pour ses parents, et en acquérant son appartement parisien. Mon père et ma mère ont fini par mettre définitivement fin à leur union en 1987, presque quinze années après leur séparation effective.

Pourquoi avoir attendu aussi longtemps? Mystère et boule de gomme.

Nous avons feuilleté ensemble les albums de famille, encore stockés dans un grand carton tout poussiéreux. Les photographies ressemblaient à des tranches de gruyère, ma mère ayant systématiquement décapité mon père. Nous avons même retrouvé par hasard entre deux albums une copie de l’acte de vente de l’appartement parisien. Je n’ai pu résister à l’envie de le feuilleter, et me suis rapidement aperçu que mon père figurait sur le contrat. Ma mère ne s’était jamais rendu compte de ce petit détail et pensait être pleinement propriétaire de son bien.

Que nenni, je venais d’ouvrir la boite de Pandore. Pan dans les dents.

Ma mère a naturellement pris rendez-vous avec le notaire en charge de la séparation des biens. Il lui a confirmé qu’elle s’était mariée un mois avant l’établissement de la loi régissant la communauté réduite aux acquêts. Avant cette date, le mari était considéré comme le seigneur et maître de la communauté. Lui seul avait ainsi le pouvoir d’administrer les biens communs et d’en disposer. La femme n’était qu’une conne sans cervelle et ne bénéficiait que de quelques mesurettes de protection (toi femme faire manger et ménage, reproduction, courses). Mon père a donc naturellement été invité à signer l’acte de vente de l’appartement, même s’il seule ma mère en était l’acquéreur. Cerise sur le gâteau, la vente a été réalisée quelques mois avant le divorce.

On appelle cela un très mauvais timing. Vraiment très mauvais.

Autre facteur aggravant: suite à diverses négligences, le partage des biens n’a jamais été finalisé, alors que le divorce a été prononcé il y a plus de vingt ans. Mon père se retrouve donc légalement l’heureux copropriétaire d’un trois pièces à Paris et d’une maison en Corrèze, sans jamais avoir sorti le moindre kopeck. De son côté, mon père s’est arrangé à acquérir ses deux cabinets quelques mois avant son mariage. Sa maison a été héritée de ses parents et les travaux d’agrandissement ont été réglés par ma belle mère. Ma mère n’a donc aucune monnaie d’échange. Un peu bétassou pour le coup.

C’est donc la fête du slip côté maternel depuis quelques semaines. Sans douter que l’issue soit in fine favorable à ma mère, il faut à nouveau engager avocats et notaires pour détricoter leur histoire, sans pouvoir être certain que mon père ne lui mette pas des bâtons dans les roues.

Il est finalement bon d’être considéré par la République Française comme sous-citoyen en ayant tous les devoirs, mais pas forcement les mêmes droits que son voisin de pallier, et être interdit de vrai mariage. Dès le début d’une union, le gentil pédé sait dès le départ qu’il va en chier en cas de rupture ou d’issue plus fatale. Même si PACS, le survivant doit verser à l’État 50% de l’héritage perçu. Si je claque demain, Snooze devra donc vendre un rein, un morceau de foie et une cornée pour continuer à vivre dans notre appartement. Je souhaite donc vivement et bien profondément remercier l’ensemble des législateurs.

Tiens, et si en ces temps d’identité nationale nous ouvrions le débat sur les droits et les devoirs des pédégouines?

Oui, je veux un grand mariage en blanc, avec une robe choucroutée et une immense pièce montée. :devil2_tb:

15 commentaires sur “La machine à remonter le temps

  1. Pour que Snooze puisse garder son rein :

    « Les personnes liées par un PACS sont considérées comme des tiers par rapport à la succession de l’une et de l’autre.
    Ainsi, en l’absence de testament, elles n’ont aucun droit dans la succession.
    S’il n’existe pas d’héritier réservataire (ascendant, descendant), il est possible de léguer par testament l’ensemble de ses biens au partenaire survivant.
    Dans le cas contraire, le legs ne peut dépasser la « quotité disponible », c’est-à-dire la part dont peut librement disposer l’auteur du testament.
    En présence d’un testament
    Depuis le 22 août 2007, le partenaire survivant d’un PACS bénéficie comme le conjoint survivant d’une exonération totale des droits de succession.

    Depuis le 1er janvier 2007, le partenaire survivant d’un PACS dispose pendant an à partir du décès d’un droit au logement qu’il occupe à titre de résidence principale et d’un droit d’usage sur le mobilier. Si le logement est loué, les loyers versés par le partenaire du PACS doivent lui être remboursés par les héritiers. »

  2. Ça me fait vraiment froid dans le dos ton histoire, ta conclusion est en ligne complète avec le film « If these walls could talk 2 », dont le premier volet se déroule en 1961. C’est dans la même veine… tristement. Je souhaite du courage à ta génitrice et une conclusion heureuse à ce mic-mac.
    Et comme le dit mon prédecesseur dans son commentaire il est temps de ressortir les vestes à épaulettes et les tops à tapisseries d’Aubusson!….

  3.  » Pourquoi avoir attendu aussi longtemps? Mystère et boule de gomme.  » Serait-ce en lien avec ce que tu racontes par la suite ? Ton père au courant des affaires immobilières de ta mère n’était pas pressé de divorcer, non ?

  4. Ton père a une belle occasion de prouver son honnêteté en renonçant à ses injustes droits.
    @ Sphinx:
    roidetrefle ayant des héritiers réservataires(ses ascendants),Snooze ne peut recevoir que la quotité disponible et seulement s’il y a un testament.
    Le mariage protège mieux,le conjoint survivant.
    Je comprend que tu souhaite un vrai mariage,même si tu n’as plus droit à la fleur d’oranger. :blink2_tb:
    Avant d’acquérir un bien en commun,il est important de se faire conseiller par un notaire.

  5. Je veux être demoiselle d’honneur pour le grand mariage en blanc ou bien il y a déjà une liste d’attente phénoménale ? :thumbup_tb: :thumbup_tb: :thumbup_tb: :thumbup_tb:

  6. @ NACHU :
    Contrairement à ce qu’indiquait mon post (toutes mes excuses, j’ai fait un copier-coller sans tout relire…), les ascendants ne sont plus héritiers réservataires depuis la loi du 23 juin 2006. Ils peuvent seulement récupérer les biens donnés à leur enfant dans la limite du quart du montant de la succession par parent.

  7. Ton compagnon futur mari et toi vous marierez certainement un jour, quand tous les frustrés réacs interdisant cela ne seront plus de ce monde. Vu leur âge actuel, c’est pour dans pas longtemps.
    Alors, il est temps de lancer les invitations et de choisir ta robe de marié et la pièce montée !
    Et pour votre mariage, il y aura un superbe cortège, derrière ton mari et toi, ta maman, tous vos proches, et plein de joyeuses gaies et gays !

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