Un mariage et deux enterrements

C’est en s’arrêtant ponctuellement de publier régulièrement que l’on s’aperçoit ô combien on était drogué par le blog, un peu comme un joggeur passionné qui culpabilise le jour où il ne part pas courir. Si les premiers temps sont étranges, on s’habitue relativement vite et l’on perd progressivement l’appel du clavier. Certains tics demeurent toutefois. Je stock toujours ainsi quantité de documents pour en faire des billets, je pense toujours rédiger une bafouille lorsque je suis amusé, attendri, en colère ou choqué, je continue à prendre plaisir à photographier des absurdités avec mon lapin en peluche ou à compiler les recettes de cuisines les plus improbables.

Je n’ai jamais regretté m’être lancé dans la grande aventure du blog car elle m’a permis de faire de vraies rencontres, des gens biens, sincères, passionnés, généreux Il y a toujours eu pour moi plusieurs catégories de blogueurs. Les passionnés qui ont un vrai style dans l’écriture, qui sont originaux et créatifs, et qui balayent de vaste domaines : humour, politique, humeurs, photographie, voyage, gastronomie. Certains deviennent des professionnels de la communication, publient leur journal intime, parlent de leur vie, l’écriture régulière permettant de structurer et d’analyser une partie de leur existante. Le blog peut également permettre de sortir d’un isolement, de trouver des soutiens, d’aider et de se faire aider. D’autres, que je m’amuse à comparer au coucou, ne pensent qu’à une popularité éphémère, devenant petit à petit des clones sans saveur et s’épuisant rapidement, passant d’un réseau social à un autre en attendant le prochain outil à la mode. Ainsi, et contrairement aux idées reçues, le blog me parait donc être un parfait reflet de la vie.

Mais ouhlala, je m’égare, le but de ce billet était initialement de raconter l’enterrement de vie de garçon de mon ami Alexandre (quel joli prénom). Un autre Alexandre avait programmé depuis des semaines une journée qui se devait être mémorable, deux semaines avant le grand jour : initiation au pilotage d’avion, barbecue (thématique Weber), simulateur de saut en parachute, et restaurant asiatique. Mais le clou de la journée était la fin de soirée. Un lieu très exotique avait été choisi pour l’amateur de bite que je suis, un club « olé olé » où de charmantes créatures proposaient de faire frotti frotta en échange de biftons, de beaucoup de biftons glissés dans la culotte.
Le « Huslter club » est situé aux alentours des Champs-Elysées. Je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre. Oui, je connaissais ce nom via le film « Larry Flynt », oui, je connaissais le concept de lap dance, mais non, je n’avais jamais mis les pieds dans un tel endroit.

Il faut tout d’abord montrer patte blanche et sourire aux gros et imposants videurs à l’entrée du club, puis passer un deuxième sas pour pénétrer dans le temple du vice et de la luxure. Une hôtesse nous accompagne à une table faisant face à une scène. Trois jeunes filles un peu mollassonnes semblent se soulager d’un herpès vaginal très irritant en se râpant l’entre-jambe sur de longues barres métalliques. On nous amène enfin un énorme saladier contenant deux bouteilles de gin, une bouteille de vodka, des canettes de « Red bull » et autres soft drinks. La manœuvre est claire : faire consommer le quidam excité en le gavant d’alcool et de caféine.

Deux types de danses sont proposés : une plus classique, rapprochée, autour de la table devant l’assistance composée de mâles en rut, et une plus intime, option sans culotte, dans une petite pièce capitonnée au sous-sol. Il suffit simplement d’acheter des tickets, un peu comme les colliers de perles au Club Med : plus tu payes, plus c’est long, rapproché, humide et torride. Une seule consigne, ne pas toucher la marchandise (je me souvenais de certaines scènes du fabuleux « Show Girls »). Je pensais initialement que les danseuses étaient des divas et qu’une distance réglementaire entre elles et les clients était établie : que nenni, même s’il est affiché un peu partout qu’il est interdit d’échanger numéro de téléphone/e-mail/adresse ou plus avec les hôtesses.

Si certains clients, habitués du lieu, se dirigent directement vers certaines jeunes filles qu’ils connaissent déjà, la plupart tapine les nichons à l’air autour des tables pour faire du chiffre d’affaire. On est donc bien loin du glamour et de l’humour véhiculés par les petites Bunny Girls Play Boy. Toutes les filles viennent de pays de l’Est et se prénomment Liina, Grete ou Kerli, et passent de table en table pour tenter un éventuel consommateur. C’est la nouvelle traite des blanches.

Manque de chance, lorsqu’elles se rapprochaient de nous, elles tombaient sur un groupe composé de deux pédés. Et justement, tomber sur un pédé reste rassurant pour ces filles. Elles sont alors certaines qu’il n’y aura aucun geste déplacé, et semblent enchantées de discuter, pour rien, juste comme ça, pour sortir de la routine graveleuse. Je me suis fait une copine. Elle s’est assise sur les genoux, m’a serré fort contre elle et m’a raconté sa vie et celle du club, entre deux bisous dans le cou. Elle s’absentait pendant une petite demi-heure et nous reprenions notre conversation. Elle venait d’Estonie et avait passé plusieurs années à la faculté de médecine. Elle souhaitait être gynécologue (…). Seulement voilà, débarquer à Paris lui a semblé plus glamour que de se les geler à Tallinn. Sorties, argent facile, elle travaille maintenant dans ce club et semble très heureuse, même si le concept attire bien moins de monde qu’il y a quelques années.

Face à moi, une danse commence. Une fille brune, certainement contorsionniste, ondule devant un couple qui semble bien excité. L’un de mes amis évite de peu un coup de talon aiguille sur son crâne. La danseuse mime l’acte sexuel, se tripote comme si elle était atteinte de varicelle, et tente d’étouffer son client entre ses deux seins. Je consulte Twitter pour connaître les résultats de l’Eurovision et ne pige pas pourquoi l’on parle de DSK, qui aurait certainement été ravi d’être à ma place. Ma copine Kerli revient me voir, je la salue et quitte l’établissement, enchanté de la journée que je venais de passer en compagnie de mes amis.

En trois semaines, j’ai enterré deux et marié un Alexandre. Les petites turbulences de ma vie se sont transformées en véritables bénédictions. Je profite de chaque instant, prend beaucoup de recul et tente de régler les problèmes un par un, sans angoisse ni stress, et tout finit par s’arranger. Le poste que l’on me promettait m’a enfin été officiellement attribué, mon couple a miraculeusement survécu, je me suis fait de nouveaux amis, je continue à beaucoup voyager, suis devenu plus que complice avec l’un d’entre eux que je vois deux fois par mois à Londres, et vais devenir papa en juillet : Le jour de la mort de mon chat, un éleveur de chartreux m’a curieusement contacté et m’a proposé d’adopter un chaton qui venait de naitre. J’ai accepté sans réfléchir. Il s’appelle Gusperimus, Gus pour les intimes.

Je suis aujourd’hui, et pour quelques jours encore à Chicago, pour le congrès annuel de la société de cancérologie américaine. Je me retrouve seul avec mon lapin en peluche, travaille beaucoup, mais cet éloignement me permet une nouvelle fois de faire le point et surtout de me vider l’esprit loin, bien loin de mon quotidien, parfois si emmerdant. Je vis à l’américaine, me gave de Coca-Cola Zero à la vanille, suis hypnotisé par la télévision, me gave de popcorn au cinéma, passe des heures au rayon lessive du Wall Mart voisin et adore rentrer le soir par le métro aérien en contemplant les nombreux et gigantesques buildings de la cité.

Comme quoi, il ne me faut pas grand chose pour être heureux. Un peu quand même.

Je suis une princesse.

14 commentaires sur “Un mariage et deux enterrements

  1. Bien contente de retrouver ta plume… Même si, (je me permets de critiquer!) quelques constructions sont à la limite de l’anacoluthe… Des bises, tout plein!

  2. Se gaver de popcorn et rester mince,c’est trop injuste…
    Continue à être heureux. :clap_tb:
    Je ne sais pas si Gusperimus appréciera d’avoir le même diminutif que le petit rat de Cendrillon?

  3. Ouf tu n’es pas mort sur la blogosphère :happy_tb:
    Maintenant que tu publies moins, cela n’a pas d’importance. Quand j’ai découvert ton blog, j’ai apprécié ta prose. La fréquence ne faisait pas partie des facteurs orientant sa lecture. Heureusement car sinon, j’aurais purement et simplement abandonné depuis quelques temps déjà.
    Et pour finir, je te jalouse à un point !… Passer autant de temps aux USA, adorer ça et nous l’agiter devant notre nez, c’est criminel !! :clap_tb: Sérieusement je suis content que tout aille bien pour toi et je vais (essayer de) suivre ta manière de faire pour essayer de régler les tracas de ma vie à moi :laugh_tb:

  4. Lilly te passe le bonjour, elle travaille au nouveau club PlayBoy en bas de chez moi. Lilly likes cute little bunnies and big rich daddies you know!

    Bisous Princesse! Mmmmwhouahh!

  5. Ah mais tu nous manquais vraiment!Super content que tout aille bien à la maison et dans les avions :clap_tb: par contre appeler un chat Gusperimus je le plains le pauvre heureusement qu’il a un diminutif :blink2_tb:

  6. Ah ben zut alors il est mort Phobos ? Ca me fait de la peine… C’est un peu incongru à l’occasion, mais je me souviens du fouè-rire inextinguible qui m’avait pris en lisant chez toi le récit de ses vacances chez ta grand-mère qui s’ingéniait à le faire grossir…

    J’espère que ça va mieux pour ton couple aussi. Enfin apparemment c’est bon, alors… Bisous, Lapin.

  7. Mon commentaire n’a pas grande utilité, mais c’est toujours un réel plaisir de te lire. C’est souvent touchant, toujours bien écrit, léger et profond. Bref un plaisir 🙂

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