Maus

Je suis né dans les années soixante-dix. Ma mère dans les années trente et mon père dans les années quarante. On m’a raconté beaucoup d’histoires sur la seconde guerre mondiale. Mes grands parents maternels qui parcouraient des centaines de kilomètres à bicyclette pour se ravitailler et survivre, l’exode en zone libre dans le Cantal, la participation à des mouvements très à droite de ma grand-mère paternelle, ou encore la dernière bombe tombée sur Paris. On m’a rapporté beaucoup d’évènements insupportables et tragiques, d’autres un peu plus légers. On m’a surtout appris que cette période symbolisait le mal. Ces histoires me terrifiaient.

On m’a toujours enseigné les valeurs Républicaines. Mon père était de droite, ma mère de gauche. Les échanges ont toujours été favorisés. Je suis un peu le fruit du couple Franco-Allemand. L’Europe fait partie de mon ADN. Des mois passés outre-Rhin lors de mon adolescence. Un tropisme pathologique pour les voyages. Passer un jour sur deux à Londres aujourd’hui.

Je me suis aussi toujours demandé comment et pourquoi les citoyens n’avaient rien anticipé, alors que tout convergeait vers l’horreur : Flambée du populisme en Europe, instabilité de la troisième République, crise économique, affaire Stavinsky, droite et gauche républicaines molles, montée des extrémismes de gauche et de droite. Étaient-ils tous aveugles ou stupides ?

Il reste toujours complexe de faire des comparaisons entre différentes périodes de l’histoire. Le monde tourne toujours, il est différent. Systèmes d’information(s), mobilité, blocs politiques, économie, cosmopolitisme, multiculturalisme, rien ne rappelle vraiment les années trente. Ou pas. Flambée du populisme en Europe, instabilité de la cinquième République, crise économique, affaires, droite et gauche républicaines molles, montée des extrémismes de gauche et de droite. Autriche, Royaume-Uni, Pays-Bas, Italie, Belgique, France. Tous gangrénés par la droite extrême. Sommes-nous tous aveugles ou stupides ?

Aujourd’hui, j’ai peur. Pas forcement pour moi. Pas forcement de bientôt porter une étoile rose. J’ai peur de voir le monde démocratique dans lequel j’ai grandi devenir quelque chose d’inconcevable il y a encore quelques années. J’ai peur d’être impuissant face aux ambitions politiques personnelles, face à la cupidité, la bêtise, l’ignorance, l’injustice et la méchanceté, lorsque je vois ces personnes haineuses s’exprimer ou manifester. J’ai peur que mon pays se referme sur lui même alors qu’il n’est grand que dans l’échange. J’ai peur aussi de choisir la facilité et la lâcheté en décidant de m’envoler pour des cieux potentiellement plus cléments.

J’ai pour la première fois peur de l’avenir, et cela me fait peur.

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