Le kebab anthropophage: ma mère, c’est la Sharon Stone de la brochette

Ma mère a travaillé de longues années à l’Assistance Publique. Quarante deux ans pour être précis. Endocrinologie, cardiologie, gastro-entérologie, bloc opératoire et psychiatrie. Elle a terminé sa carrière en tant que surveillante générale à la Pitié-Salpêtrière. Comme beaucoup de personnel soignant, elle a pris la mauvaise habitude de ne jamais consulter un médecin. Elle pense, à tort, être capable de réaliser un bon diagnostic. Nous avons donc toujours eu à la maison un stock considérable de médicaments. Au moindre bobo, nous piochions allégrement dans l’armoire à pharmacie remplie en permanence d’antibiotiques, d’anti-inflammatoires et autres analgésiques.

Ce n’est pas joli joli de parler comme cela de sa propre mère, mais il lui arrive systématiquement une tuile lorsque nous partons en vacances. Lorsqu’elle tombe malade, elle se transforme en citrouille aux douze coups de minuit et la vie de la personne voyageant en sa compagnie peut devenir un véritable cauchemar.

Juillet 1989 : Gastroentérite en Turquie : elle est restée clouée au lit pendant toute la durée du séjour. Elle refusait de manger et surtout de boire et a frôlé une grave déshydratation. J’ai accessoirement été la victime de la vilaine tourista en fin de séjour et ruiné mon siège et ma culotte lors du retour en avion. Caca mou, one point.

Juin 1994 : Maman ne supporte pas les fortes chaleurs. Manque de chance, New-York subissait une mini-canicule. Elle a refusé de s’alimenter pendant plusieurs jours car la nourriture ne lui convenait pas. Elle pensait trouver à tous les coins de rue boulangeries et autres artisans typiquement français. Perdu. J’ai finalement trouvé une alternative alimentaire en la convaincant de se gaver de pizzas et de crème glacées.


Aout 1998 :
Scarlatine à la Nouvelle-Orléans. Elle pensait avoir déclanché une allergie alimentaire après avoir mangé de l’alligator et s’est donc soignée en avalant des antihistaminiques par poignées. Bilan : Elle fut à deux doigts du rapatriement sanitaire et fut hospitalisée d’urgence en rentrant. Après un mois de repos, elle m’a juré de faire appel la prochaine fois à un médecin.

Janvier 2000 : Allergie aux bétabloquants. Maman s’est transformée en croute humaine. Elle a bien entendu passé son temps à gratter ses boutons.

Février 2002 : Grippe à Québec. Je n’étais pas en sa compagnie mais le retour a été folklorique.

Décembre 2006 : Nous avions décidé de passer le réveillon de la Saint-Sylvestre avec Nono à la maison. Je n’ai donc pas passé comme tous les ans les dernières heures de l’année en sa compagnie. Ayant pris des antibiotiques pour enrayer une vilaine sinusite (toujours sans consulter le moindre médecin), elle a déclenché une allergie et s’est vue recouverte à nouveau d’une couche boutonneuse du meilleur effet. Plutôt que m’appeler, elle a préféré me culpabilisé le lendemain :

(voix faible et tremblante ) : « Oh tu sais Mickey, ce n’est pas grave. Je n’ai pas souhaité te déranger. Je peux parfaitement comprendre que tu t’amuses plus avec tes amis qu’avec ta vieille mère. Je me suis couchée vers 20h00 après avoir appelé SOS médecin. Bonne année mon chéri ». Pan dans les dents.

Mais le coup le plus fumant fut certainement ce midi de juin 2000. Souhaitant ouvrir le bouchon d’un tube de mastic apparemment bien vissé, elle décida de le percer avec un pic à brochette. Ce qui devait arriver arriva. Le pic glissa et traversa la paume de sa main. Près de deux mille ans après Jésus, elle réinventa la crucifixion alimentaire. Elle ne m’a pas appelé car elle se doutait que j’allais lui passer un savon. Elle n’a pas enlevé le pic et s’est rendue à la station de taxi la plus proche. Ne voyant aucun véhicule arriver, elle s’est engouffrée dans le métro en direction de l’hôpital Boucicaut spécialisé en orthopédie. Imaginez la tête des voyageurs face à une femme à la main ensanglantée traversée par un objet tranchant.

Se sentant un peu fragile, elle est finalement sortie du métro à la station gare Montparnasse pour prendre un taxi. Quelques heures plus tard, l’hôpital m’a contacté afin que je vienne la chercher. Je lui ai bien évidemment tiré les oreilles. Pas trop car j’étais vraiment contrarié pour elle. Mais assez pour lui faire comprendre que son comportement n’était pas responsable et lui faire promettre d’avoir toujours dans son sac un téléphone portable. Sept ans plus tard, elle est toujours adepte des télécartes France Telecom.

Si je rajoute qu’à 70 ans elle n’a toujours pas de médecin traitant :blink_tb: mais possède toujours une armoire à pharmacie aussi importante que mon placard à bouffe, j’ai intérêt à bien me préparer pour les prochaines années.

A moins que sa love affair se révèle être plus sérieuse que prévu et que son chevalier servant ne prenne le relai.

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