I have a dream

J’ai fait un rêve ce week-end. J’errais dans les rues d’un petit village bourguignon. J’étais transparent. Personne ne pouvait me voir. Je me suis approché du grand portail en bois de notre maison. Mon père était dans le jardin. Il avait vieilli et regardait dans ma direction. Il semblait triste et fatigué. J’ai soudain été pris de violents maux de tête. Mon escapade provinciale nocturne m’a déclenché une migraine. Je me suis réveillé, ai planté une aiguille dans la cuisse pour calmer la douleur et me suis rendormi comme un bébé.

Je n’ai pas parlé de ce rêve à Snooze car mon mari se transforme facilement en psychanalyste visqueux. Il m’aurait certainement rabâché une nouvelle fois qu’il était primordial que je règle mes comptes avec mon père et que, tant que je ne lui aurais pas balancé en pleine gueule l’ensemble de mes reproches, il continuerait à me hanter comme un fantôme. Snooze est persuadé qu’il est impossible de garder pour soi certaines aigreurs. Il pense qu’un jour ou l’autre, les ressentiments explosent en pleine figure et qu’il est difficile de s’en remettre. Son approche est à la fois naïve et simpliste. Je ne suis pas de cet avis. Tout dépend de l’individu. Mon ami Eric en est le parfait exemple. Il devait gérer à l’époque la disparition de ses parents, l’absence de son frère et l’inconstance d’une sœur à moitié dingue. Il n’a jamais fait transparaitre le moindre sentiment et semblait parfaitement porter sa croix.

J’ai ensuite pensé au moment ou le notaire allait m’annoncer sa disparition. Je suis intimement convaincu que cette nouvelle ne m’atteindra pas. Je l’ai fait disparaitre de ma vie et le considère comme mort depuis de nombreuses années. J’aurais certainement plus de mal à affronter le regard culpabilisant d’une marâtre qui a tout fait pour me rayer de sa vie. On me reproche souvent d’être manichéen et de ne pas donner de seconde chance. C’est vrai avec mes amis. Je suis souvent froid et j’agis de façon chirurgicale en coupant la branche avant que l’arbre ne pourrisse. Je reviens rarement en arrière après avoir été déçu, même une seule fois. Je lui ai donné plus de vingt cinq longues années pour qu’il me prouve qu’il m’aime. Il n’a jamais saisi sa chance.

J’ai curieusement failli céder il y a quelques mois. Nous habitions encore dans notre ancien appartement et il avait frappé à notre porte sans prévenir. Snooze était seul. Il lui a expliqué pourquoi je ne souhaitais plus avoir de contact avec lui et lui a annoncé qu’il était en couple avec moi depuis de très nombreuses années. Le choc fut douloureux. Il a pleuré. En quittant notre domicile, il a fait promettre à Snooze de lui envoyer de mes nouvelles. Alors que je recevais fréquemment une lettre de sa part qui terminait sans être ouverte au fond de la poubelle (à déchets recyclables), je n’ai plus aucun signe depuis l’annonce de mon homosexualité. Pas facile d’avoir engendré un amateur de bite(s).

Fin de l’histoire.

Cette nuit, j’ai rêvé que je me promenais nu dans un champ de barpapapas roses en compagnie du m&ms rouge et du m&m’s jaune. C’était bien.

19 commentaires sur “I have a dream

  1. Bien sûr je te renvoie à la très personnelle réponse que j’avais faite il y a quelques mois à un de tes très anciens billets …
    Mais, même morte, ma mère revient encore me hanter …
    Aucun conseil à te donner, n’ayant jamais su tirer profit d’aucun de ceux qui m’ont été prodigués … Il est vrai que celui de Snooze, que j’entends de la bouche de mon mari depuis toujours, semble simple et si agréable au toucher quand on pense que tout pourrait être réglé … mais je crois finalement que l’idée de régler ce problème sur lequel, finalement, nous nous sommes construits, qui fait les fondements, même mauvais (« surtout » mauvais ?) de ce que nous sommes devenus, c’est juste IMPOSSIBLE … Alors nous sommes sans doute condamnés à porter cette croix …
    Je sais, c’est pas drôle, dit comme ça, d’ailleurs je vais me pendre de ce pas … NON, j’attends la prestation de Benjamin ce soir, si elle est bonne, je reste ! Tu vois, on trouve toujours des raisons de continuer le chemin ! Biz

  2. Je suis un grand expert international en psychologie et désenvoutement cognitif à ondes gamma :king_tb: mais je m’abstiendrai de tous commentaires, remarques, conseils, recettes de cuisine (non, non, n’insiste pas) car là j’ai pas le temps.
    Des bisous :bye_tb:

  3. Je suis toujours impressionné par le nombre de choses qui nous passent par le cerveau et leurs répercussions psychosomatiques… Et pourtant, je me gratte partout très régulièrement! :jittery_tb:
    Ce que j’ai lu de plus important ici c’est que tu te respectes toi-même.
    Des bises à toi et je te souhaite beaucoup de nuits plus douces.

  4. C’est bizarre car moi je fais une fixette sur le M&M’s bleu! :blink_tb:
    Sinon si tu as besoins d’un exorciste, désenvoûteur etc je connais quelqu’un! :dunce_tb:

  5. je trouve ton attitude, tant envers ton père qu’envers les amis qui t’ont déçus, très respectueuse de ta propre dignité. Même si ça peut paraître égoïste ou mièvre de se protéger quand on sent le vent tourner, pour moi, c’est déjà un signe de mieux-être, une mise à distance que je trouve positive.

  6. pareil pour moi… Un bon coup de scalpel et on en parle plus. Texte très touchant, roidetrefle… Merci ! Les MnM’s, par contre, c’est pas bon pour la santé 😉

  7. Je crois comme toi qu’il a largement eu sa chance… La chance d’avoir un enfant et de l’aimer… Et tu as été patient…
    En fait, lui je m’en fous un peu. J’aimerais bien que toi tu te sentes bien. J’agis comme toi, quand la limite est dépassée, out of my life. Te dire si c’est bien, c’est une autre histoire !
    Mais cela ne te plairait pas de lui dire toi même que tu es homo ?

  8. Je ne suis pas certaine que le out of my life soit si efficace, je me souviens d’une amie qui avait ainsi rompu avec sa mère depuis 15 ans. Lorsque les gendarmes sont venus la prévenir que celle-ci, mourante la demandait, elle est redevenue une petite fille pétrifiée et bouleversée qu’il a fallu prendre par la main pour l’accompagner dans cette épreuve.

  9. Je fais un peu comme toi, mais je voulais aussi dire quelque chose : les gens changent.
    Ton père n’est pas celui que tu as connu, et toi même tu as beaucoup changé.
    La beauté de la vie, c’est aussi cette constante évolution des humains, leur avancée vers la sagesse, ou une forme de sérénité.
    Aller vers le pardon est une manière de nourrir sa propre vie. (ca fait très catho mais je suis athée)
    Et même s’il ne reste qu’une dizaine de d’année de relation, ça peut être une belle relation, différente, plus profonde, plus apaisée….
    Personnellement, je sais que je vais bientôt pardonner, mais pas encore tout de suite, mais je m’en approche…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *