La prostitution théologique

Vous avez très certainement déjà remarqué des couples de jeunes hommes en costumes se baladant dans les rues de Paris (ils n’ont pas de surf sous le bras, mais j’aime bien la photographie). Connaissez-vous le centre culturel situé juste à côté du Curious Spaghetti Bar rue Sainte Croix de la Bretonnerie ? Peut-être vous êtes vous déjà fait accoster et proposer de passer quelques minutes en leur compagnie. C’est ce qui m’est arrivé il y a quelques années de cela. J’allais commencer ma première année de doctorat et profitais de mes dernières semaines de répit à Paris. Mon amie Kristell était de garde à la Pitié-Salpêtrière et profitait de l’absence de ma mère pour résider en ma compagnie dans notre appartement situé au croisement Pyrénées-Belleville. Ce fut très certainement une des meilleurs périodes de ma vie, mêlant insouciance de l’étudiant, abandon progressif du cocon familial et maigres débuts d’indépendance financière. Nous passions nos soirées à nous retrouver entre amis. C’était la fête du slip. Ouais, c’était bon ça !

Un soir en rentrant d’une ballade dans le parc des Buttes-Chaumont, deux jeunes gens de bonne famille m’ont accosté (ils n’étaient pas en maillot de bain mais J’apprécie également la photographie). Ils étaient américains et souhaitaient connaître les endroits les plus agréables de la capitale. Nous revenions d’un séjour à New-York et étions encore charmés par la culture nord-américaine. Les deux lascars semblaient vraiment sympathiques et j’étais très naïf. Je leur proposais donc de me suivre à la maison afin de tailler une bavette en prenant un goûter. Kristell était présente et nous ouvrit la porte en petite culotte et soutien-gorge. Elle était en pleine séance de repassage. C’est donc très gênée qu’elle fit rentrer la petite troupe et s’absenta momentanément dans la chambre afin de revêtir une tenue plus appropriée. L’étiquette épinglée sur la poche de leurs costumes aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Si elle indiquait leur nom, elle indiquait surtout qu’ils appartenaient à l’église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. Les deux comparses l’ont joué fine en ne nous parlant pas de religion lors de notre première rencontre. Ni lors de notre seconde ou de notre troisième.

Deux semaines après avoir fait notre connaissance, Elder John et Elder Martin nous ont proposé de participer à une séance de « dessiner c’est gagné » dans leur local « culturel » situé dans le nord de Paris. Kristell et moi avons vite convaincu Cécilou de se joindre à nous. Le local était en fait un centre Mormon et les gentils participants étaient invités à dessiner des scènes de la bible Mormon et à deviner des noms d’apôtres de l’église Mormone (et pas de modèle portant élégamment un joli chapeau comme sur la photographie ci-contre). Nous ne pouvions malheureusement pas nous éclipser car nous étions coincés au beau milieu de la salle. La situation était pourtant fort peu confortable car nous avons vite été pris d’une irrépressible crise de fou rires. L’assemblée était majoritairement constituée de paumés et de dépressifs. C’est donc la queue entre les jambes que nous avons réussi à nous éclipser de la réunion traquenard pendant la première pause. Nos nouveaux amis n’ont pas été rancuniers et nous ont apporté le lendemain un exemplaire de leur livre Saint que nous avons vite été invités à lire. Entre temps, ils nous apitoyaient en nous confiant que la devoir de missionnaire était difficile. Ainsi devaient-ils quitter pendant deux longues années leurs foyers américains lorsqu’ils atteignaient l’âge de 18 ans pour les hommes sans avoir de contact avec leurs familles. Tout excitant leur était interdit. Pas d’alcool, pas de cigarette, pas de caféine. Ils devaient consacrer leur vie à Dieu en prêchant la bonne parole et surtout en recrutant un maximum de nouveaux fidèles.

Nous avons pratiquement passé tout l’été en leur compagnie. S’ils paraissaient sympathiques, ils n’oubliaient jamais le but de leur mission : nous convertir. C’est pourquoi ils nous demandaient souvent d’inviter des amis à la maison. Ils arrivaient les bras chargés de muffins ou de cookies et nous passions des après-midis entiers à visionner des cassettes vidéo censées nous expliquer comment le monde avait été crée par Dieu et comment John Smith (et pas Paul Smith) avait rencontré Jésus dans la région de New-York aux Etats-Unis. Nos nouveaux amis se sont cependant lassés de nous. Ils ont sans doute vite compris que nous étions incurables et qu’il allait être vraiment difficile de nous convaincre d’adhérer aux théories défendues par leur Eglise.

Et nous n’avions même pas abordé le thème de l’homosexualité qui devait très certainement être considéré comme le péché suprême. En même temps, à force de tapiner dans le Marais, les pauvres choux doivent bien savoir à quoi s’attendre. Ce fut donc la première fois que je fus confronté à une secte (euh…en y réfléchissant bien ,la deuxième fois, non, la troisième). On vous brosse dans le sens du poil, on vous accueille au sein d’une communauté, une oreille est toujours à votre écoute et vous sombrez petit à petit dans les griffes d’une église prête à tout pour embrigader. Nous avions heureusement pour nous pris cette expérience pour un jeu dès le début. Je cependant convaincu qu’une personne seule traversant une période difficile peut vite se faire laver le cerveau par des zombies programmés dès la naissance à propager leur bonne parole.

N’empêche, on s’est bien poilé. :clap_tb:

Nous avons même obtenu la vraie recette des cookies de la mère de John.

Et rhalala ils sont vraiment bons.

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