La belle journée

Pourquoi une certaine forme de blog est-elle morte? La réponse est simple. L’écriture reste un effort, et publier de façon régulière des billets demeure complexe. Complexe parce que la vie évolue, complexe parce que les envies changent, et complexe parce que, tout comme dans toute bonne psychanalyse, on comprend que le bout du bout de la démarche a été atteint, et qu’il reste vain de penser que l’on a encore grand chose à dire. La boucle est bouclée, point final. Question d’inspiration et de réalisme.

L’écrémage a toutefois été naturel. Beaucoup de lecteurs de blogs ont pensé qu’il était aisé de monter sa propre affaire. Un blogueur lambda commençait à avoir de l’influence ou être associé à une sorte de célébrité? Pourquoi ne pourrais-je pas devenir lui? Il suffisait alors d’ouvrir un compte sur l’une des nombreuses plateformes disponibles et se lancer. Les plus valeureux achetaient un nom de domaine et chargeaient WordPress ou Dotclear. Certains ont rapidement cédé aux sirènes du marketing et à l’appât du gain facile, en se faisant sponsoriser pour publier des billets généralement de très mauvaise qualité. D’autres se sont laissé anesthésier par le système en participant à des soirées à la mode, en vantant de façon non affichée les qualité du dernier produit présenté comme indispensable. Une partie non négligeable visait également une célébrité instantanée. Ainsi l’arrivée de nouveaux média à-t-elle participé à l’érosion des publications. Il était bien plus facile de republier une vidéo réchauffée sur Facebook ou retweeter un message fiéleux pour produire une audience éphémère.

L’âge d’or reste, me semble-t-il, la période 2003-2008, avec un pic coïncidant avec l’arrivée de ces nouveaux médias qui ont eu au départ un effet synergistique. Les tweets étaient repris sur Facebook et le blog, et on informait sur twitter ou Facebook de la publication d’un nouveau billet. Les clichés Instagram pouvaient s’insérer en complément des billets. Une nouvelle biosphère était créée, plus globalement appelée blogosphère. Le nombre de blogueurs était croissant. Les lecteurs se mettaient à publier. Des rencontres physiques étaient même organisées. Je me souviens avec tendresse de « Paris Carnet », de l’« hôtel des blogueurs » ou même des « prosélytes lyriques ». Il m’a fallu des mois pour mettre les pieds à Paris Carnet. J’étais totalement effrayé à l’idée de pouvoir croiser des personnes que je lisais depuis des mois et qui me semblaient inaccessibles. Je me souviens de premières rencontres dans un bar du douzième arrondissement. Je venais de croiser un blogueur écrivant sous le nom d’« Embruns ». Il m’a alors terrorisé et n’ai pu lui décrocher ne serait-ce qu’un bonjour. L’effet a été le même avec Matoo ou Kozlika.

Aujourd’hui est une belle journée. En recherchant au hasard des anciens blogs sur google, je suis tombé sur un premier billet qui me semblait récent. J’ai recherché la blogroll associée et me suis aperçu qu’un nombre certain de personnes que je suivais il y a des années continue à résister et publie de façon régulière ou un peu moins régulière des billets. Le ton est presque le même, un soupçon de patine en plus. J’ai maintenant hâte de papillonner et retrouver d’anciennes lectures. Tout n’est pas perdu.

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