La baignade

Je me souviens de journées ensoleillées et sèches. Mon père ou ma mère étaient présents de façon intermittente. Je me souviens également d’une 104 bleue, de l’odeur du garage, du bruit du gravier sous mes pieds. La ville grouillait de touristes. En ce milieu de mois d’août, tout le monde se préparait à l’arrivée de la fête foraine sur la place Marmontel. Des sons de vielle ou de cabrette résonnaient dans la ville. Mamie préparait le déjeuner. Des frites étaient cuites dans une vieille poêle noire, certainement récupérée de la maison de mon arrière-grand-mère. La table était mise. Toujours le même rituel. On dépliait sur la table du salon une fine couverture en laine, puis une toile cirée, et enfin une jolie nappe blanche. Maman aidait mamie dans la cuisine, et papa préparait l’apéritif sous le cerisier en fumant une Gauloise. Le déjeuner était souvent très animé.

Je rejoignais après le repas mes amies de la maison voisine. Carole et Muriel m’emmenaient à la baignade. Nous avions donné ce nom à la plage de fortune qui avait été créée sur une rive de la Rhue. Il fallait pour s’y rendre se diriger vers le saut de la saule, puis traverser un pré improvisé en camping. Nous laissions nos vélos en haut d’une petite colline verdoyante, installions nos serviettes et descendions vers la petite plage de sable fin. Sur la droite se trouvait le pont de chemin de fer et un petit barrage qui permettait à la rivière de former une excroissance. L’eau était douce. Les plus aventuriers traversaient l’étendue d’eau pour rejoindre l’autre rive. Un pneu avait été accroché à un arbre. Il permettait de se jeter dans la rivière au beau milieu d’un gouffre. J’ai toujours eu peur de plonger dans cette eau noire et froide. On m’avait dit que des serpents mordaient les pieds des baigneurs. Je restais donc là ou l’eau était transparente, et portais toujours des sandales transparentes.

Venait l’heure du goûter. Des carreaux de chocolat au lait enfoncés dans la mie d’un pain bâtard. Nous nous allongions alors sur nos serviettes et jouions à cache cache ou à chat dans les prés voisins. Les herbes étaient hautes et à moitié cramées par le soleil d’été. Il fallait ensuite plier bagage, et rentrer à la maison. Papa était le plus souvent parti à la pêche sur la Dordogne. Il revenait tard, juste avant le diner. Nous n’allumions pas notre télévision Schneider en noir et blanc la semaine. La soirée était consacrée à la lecture de livres ou de bandes dessinées. Mamie, maman et moi-même faisions également souvent un tour de pâté de maisons, afin de saluer les voisins qui passaient la soirée à profiter de leurs jardins. Je me souviens également que j’adorais chasser les hannetons, et que j’étais émerveillé par les vers luisants qui tapissaient le jardin. Souvent, je m’allongeait sur une chaise longue et regardait les étoiles. Le ciel de nuit était si lumineux.

L’ambiance était simple et populaire. Beaucoup s’étaient installés dans les alentours lors de la construction du barrage sur la Dordogne. Il y avait encore une forte activité économique. Couplée au tourisme, la région était encore très attractive et ressemblait à un petit paradis. C’était le mien. Le temps ne passait pas vite. Rester deux longs mois dans notre maison de campagne semblait être une éternité. Nous allions tous les dimanche à la messe de onze heures. Le boulanger nous apportait pain et viennoiseries le matin. Le boucher passait avec sa vieille camionnette Citroën. Je consacrais une partie de la matinée à remplir ces affreux cahiers de vacances qui ne servaient à rien. Le temps était rythmé par le passage des michelines. Il y avait également le train vert qui quittait notre ville chaque soir pour rejoindre Paris au matin.

Puis venait le moment du retour sur Paris. Maman rentrait avec moi. Papa repartait pour la Bourgogne. Les habitudes changeaient, je retrouvais mon meilleur amis François qui venait de passer l’été en Espagne. Nous préparions alors la rentrée à saint Jean-Baptiste. Nous vivions modestement. Il me semble toutefois que l’époque était très douce. Mamie allait bientôt nous rejoindre. Une nouvelle vie allait commencer.

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