Le blog est mort, vive le blog

J’ai commencé à bloguer quelques semaines après avoir rompu avec mon psychanalyste. Comme le disait un ami, le seul moyen de quitter un psychanalyste est de le supprimer. N’ayant pas l’intention de finir mes jours en prison, j’ai rapidement trouvé une méthode miracle simple et efficace. Cependant, je me suis vite retrouvé dans un état de manque certain. L’addiction était toujours présente et il me fallait trouver un moyen de compenser le manque. Le blog s’est révélé être un substitutif idéal. Snooze s’amusait alors à surfer sur les blogs. Ce petit monde l’amusait. De mon coté, j’éprouvais un peu de mépris pour cette communauté d’internautes. J’avais ainsi beaucoup de difficultés à comprendre le manque relatif de pudeur des rédacteurs de ces journaux fort peu intimes. Je me suis toutefois pris au jeu et ai décidé de me lancer tout seul comme un grand.

Les débuts furent laborieux mais vraiment très excitants. J’écrivais sur tout et surtout sur n’importe quoi. Rencontres, humeur(s), joies, tristesses, carnet de voyage, tout y passait. Les billets étaient très personnels car j’étais le seul à en connaitre l’existence. J’ai mis des mois à avouer à Snooze que je m’étais lancé dans l’aventure. Il n’a jamais souhaité me lire. Petit à petit, j’ai commencé à interagir indirectement avec d’autres blogueurs grâce la fée Kozlika qui avait alors eu la génialissime idée de monter « l’hôtel des blogueurs ». Chaque participant était affublé d’un nouveau pseudonyme et évoluait dans une pension virtuelle située sur la côte normande. Je me souviens avoir passé des heures sur le forum dédié au site, et surtout avoir frôlé l’incontinence en lisant les billets trash d’Embruns, de Juju et de Charlène Lopez.

Les prosélytes lyriques ont été l’occasion de rencontrer en vrai les blogueurs que je suivais. J’ai mis presque deux années à mettre les pieds au Paris Carnet. Au fil des mois, j’ai fait de belles rencontres, ai passé de merveilleux moments, et me suis même fait des amis, chose alors impensable de ma part. La blogosphère s’est à un moment enflammée et est devenue très active. Certains de mes amis sont également devenus blogueurs. Beaucoup de blogs se sont ouverts. Mais toutes les choses à la mode passent de mode et le soufflet semble avoir dégonflé ces derniers mois. Ainsi de nombreux blogs ont-ils fermé au fil du temps.

Les raisons semblent diverses et variés:

(i) L’envie. Toutes les bonnes choses ont une fin. On a parfois l’impression d’avoir fait le tour du tour du tour du problème. Écrire devient difficile et surtout pénible. Lorsque la publication devient une contrainte, le blog périclite naturellement.

(ii) La copie. Beaucoup se sont lancés en s’inspirant très fortement d’un blog qu’ils lisaient. L’exemple le plus flagrant est celui du blog de Matoo, longtemps et toujours copié, mais jamais égalé. La tentation est grande car l’une des spécialités de ce blog est de constamment faire le grand écart entre actualité culturelle parfois pointue, billets sur la vie privée et actualité générale. Parfois trash mais jamais gore, le tout est généralement proposé avec beaucoup d’élégance, de recul et d’humour. Nombreux ont été les blogueurs qui ont tenté de faire la même chose sans toutefois jamais réussir à s’imposer. La plupart ont maintenant disparu, même si certains clones fleurissent de temps en temps. Matoo est mon Papablog à moi, le seul, l’unique et l’irremplaçable, et je l’aime.

(iii) la mode: Il y a peu, tout le monde ouvrait un blog. Skyblog indiquait il y a peu avoir largement dépassé les vingt millions de blogs actifs (au moins une visite en trois mois). Une naissance, un voyage, une circoncision, une descente d’organes, une passion: toutes les occasions sont bonnes pour publier sur internet, et c’est bien. Ces blogs sont pour la plupart éphémères. Les blogs d’expatriés, souvent excellents, ont également par nature une vie relativement courte.

(iv) Excès d’ego. Le manque de modestie est néfaste à la santé. A force de traquer ses fameux lecteurs et de ne pas décoller les yeux des outils mesurant l’audience de son site, le blogueur égocentrique oublie rapidement les raisons pour lesquelles il a commencé à publier. Il est flatté, pense être excessivement influent, se rend dans de nombreuses soirées pleines d’autres blogueurs riches, beaux et célèbres, et vendrait père et mère pour gagner un téléphone portable ou une simple invitation au cinéma ou à un concert. Frôlant le ridicule, le blog meurt de lui même, avant même que son auteur ne s’en rende compte. Un peu comme ces célébrités issues de la téléréalité qui finissent dans la rubrique faits divers, le nez poudré, les veines usées et le foie imbibé. La descente est certainement très dure. Seulement voila, personne n’est irremplaçable, même les divas.

(v) D’autres semblent avoir utilisé le blog uniquement comme outil de communication. Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. Le contenu publié a toujours été considéré par l’auteur comme secondaire, l’important étant principalement d’augmenter le trafic. Pour cela, tous les moyens sont bons. Mot clé, reprise systématique des dépêches Reuters ou AFP, photographies aguicheuses, textes racoleurs, autopromotion massive ou encore publication de vidéos. Tout est bon dans le cochon lorsque l’on souhaite faire du quantitatif. Au bout d’un moment, tout lasse et seuls les visiteurs perdus débarquant via Google donnent un semblant de vie au blog fantôme.

(vi) Une partie très réduite de la blogosphère n’hésite pas à saborder son blog pour renaître ailleurs, sous une autre forme. Thématique, design, fréquence de publication, tout change d’un jour à l’autre. Il est très courageux de recommencer tout à zéro. Souvent de très bonnes surprises. Certains enfin ont décidé de mettre fin à l’aventure car famille, amis ou collègues ont pris l’habitude de se rendre régulièrement sur leur blog. Alors qu’initialement il représentait un espace incroyable de liberté, le blog s’est rapidement transformé en carcan, inhibant et endormant petit à petit son auteur.

(vii) Beaucoup ont considéré que le blog, dans sa version actuelle, était dépassé et ont migré vers d’autres plateformes. Tout comme le coucou, de nombreux blogueurs ont refait leur nid ailleurs. Facebook, Twitter, Aka-Aki et compagnie ont rapidement joué un rôle d’ersatz. Il est ainsi plus aisé et rapide de toucher un plus grand nombre de personnes. Certain ont vite compris qu’il était plus facile de modifier un profil, publier une photographie, une petite phase ou même de saturer Twitter que d’écrire un billet dit classique. Je reste intimement convaincu que les différents systèmes n’ont pas la même utilité, et surtout qu’ils peuvent parfaitement coexister.

Certaines Cassandre prédisent la mort du blog. Je ne le crois pas. Au jour d’aujourd’hui, mon expérience avec le blog n’est que positive. Le blog m’a permis de passer outre une timidité excessive, a permis de révéler mon homosexualité à des proches auprès de qui je n’avais jamais osé aborder le sujet, m’a permis de retrouver d’anciens amis et m’a surtout permis de rencontrer un nombre incroyable de gens biens, gentils, drôles, désintéressés et enrichissants. J’adore butiner les blogs des autres, et je prends encore un grand plaisir à écrire. Si l’écriture reste de facto une astreinte, cette astreinte demeure toujours ludique et d’une façon ou d’une autre profitable.

Et si le secret n’était finalement que de s’amuser ?

27 commentaires sur “Le blog est mort, vive le blog

  1. Pfiou tu m’as fait peur, j’ai cru que tu allais annoncer la fermeture du tien.
    Bonne catégorisation des blogs en tous cas,
    Amusons nous, continuons encore longtemps de nous butiner les blogs.

  2. Bravo! Une belle analyse qui fait le tour des motivations des bloggers! N’arrête surtout pas !!! Ton blog est unique, bien écrit, original, plaisant à lire, bref , un régal!

  3. Oui tu m’as fait peur aussi. Bonne analyse comme toujours. Et tu as tout à fait raison, c’est comme pour toute chose de la vie, l’important c’est de prendre toujours son pied en écrivant pour son blog et en prenant en lisant les autres. La blogosphère est une immense cour de récréation.

  4. Tout pareil que toi dans ta conclusion … sauf pour le coming out, j’suis pas concernée puisqu’on doit toujours se marier, je te le rappelle ! Et pis je t’ai pas encore rencontré en vrai, mais ça viendra !
    Cela dit, parfois, c’est sûr, la lassitude du blogging s’installe, notamment via la relative contrainte de la publication récurrente … mais il suffit de s’en affranchir, y a pas mort d’homme … Quant à la coexistence avec les réseaux sociaux, elle est clairement possible, les deux sont complémentaires

  5. moi aussi le titre m a fait peur !
    c’est très souvent un bonheur de te lire ( bon , le caca de l autre jour c ‘est vrai … ) , joliment écrit ,
    dans mes favoris comme Matoo et Entre deux eaux ..
    merci

  6. C’est au bon titre de billet que l’on reconnaît le bon bloggueur. Il sait comment faire monter ses statistiques de fréquentations, le bougre ! Bon, blague à part, moi aussi j’ai craint le pire. Et me suis pas mal reconnu dans ton point vi.

  7. Ton blog est nase, au mieux gnan-gnan et y a jamais de porno hard-core ou ne serait-ce qu’un peu de bite. Y a vraiment pas de quoi être fier!

    …et tu es un des premiers blogueurs que j’ai rencontré. J’ai eu envie de toi sur la peau d’ours de mon salon immédiatement! :bye_tb:

  8. Merci pour ce très bon résumé, je me suis reconnue dans certaines des situations et d’autres m’ont replongée dans la nostalgie (7 ans de blogs lus ou écrits, le temps passe vite).
    Et comme souvent en lisant un billet ici, je me dis « mince, j’aimerais savoir dire les choses avec tant de talent! »

  9. Excellente analyse… manque peut-être aussi « le temps ». En effet, la vie nous change et on a plus toujours le temps nécessaire à consacrer à son blog. Mieux vaut souvent ne rien poster que de poster en 4ième vitesse un truc qui n’en vaut pas la peine…

    Perso, c’est l’élément qui me rend moins présent sur la toile. A cela, vient s’ajouter comme tu le signalais, que souvent au départ, c’est un « petit jardin secret ». Tout au moins à l’abris des regards de tes proches… Puis par on ne sait quel mystère, aux réunions de famille, aux sorties entre potes, on commence à te parler de ton blog…
    Et là tu commences à te demander combien de personnes dans tes fameuses « stats » sont des personnes trop proches pour te lire… Tu commences à te censurer, à trop réfléchir avec d’écrire, à trop peser tes mots… et tu perds la vraie nature de ton blog…

    Pour le moment, je réfléchis à un autre concept… mais toujours un blog… Pour moi, Facebook, twitter ne remplaceront jamais les blogs. J’y suis et ils sont loin de m’apporter le même plaisir…

    Quant à parler de plaisir… au plaisir de te lire encore et encore, cher roidetrefle 😉

  10. Putain roidetrefle déconne pas sur les titres arrête de t’inspirer de la presse à scandale !
    Ce serait trop triiiiiiste
    Arrêtez de mourir tous là
    Plus sérieusement, je prends toujours autant de plaisir à lire tes notes, même si mes commentaires sont rares. roidetrefle, je veux être toi plus tard 🙂

  11. « Butiner les blogs des autres », en voilà une expression qu’elle est mimi…

    M’étant mis au blog sur le tard (il y a deux ans) je n’ai pas encore ressenti l’envie d’arrêter. Bon, il est vrai que par moments la mécanique coince un peu, mais je m’en sors en me disant qu’on n’est surtout pas astreint à un NOMBRE moyen de publication de notes. Faut aller au turbin quand on a l’envie, ou l’idée, c’est tout.
    Pour le reste, bien évidemment que la seule motivation doit être l’envie de s’amuser, et rien d’autre. Devenir un « blogueur influent », yuk yuk yuk… J’avais déjà lu cette expression ailleurs, elle m’avait fait rire. Autant parler de femme de ménage célèbre ou de dame pipi à la mode… Le domaine des blogs, tout en paraissant immense (car très riche) lorsqu’on y évolue, est, quoiqu’on en dise, terriblement limité de par sa nature même. La vie est bien plus large que ça…

  12. Ta dernière phrase résume assez bien ce qui précède. Rien n’est véritablement important, rien ne dure, le bonheur n’est pas au bout du voyage, le bonheur c’est le voyage.
    Memento mori.

  13. Je crois qu’on assiste avec les blogs où peu à peu ne restent plus que ceux à qui l’outil convient vraiment, à la même chose qu’avec la messagerie électronique : au début tout le monde s’y précipitait, dans leur usage privé des personnes qui n’auraient jamais envoyé une lettre voire une carte postale envoyaient de longs mails, il y a eu la vague des blagues en tous genres qu’on faisait circuler, des faux mails (commerciaux, spams) ont pollué l’ensmeble et puis ceux qui finalement n’étaient là que pour y être et faire comme tout le monde se sont lassés. Restent ceux pour qui s’exprimer par messages écrits est un mode qui convient.

    Il y a également ceux qui bloguaient en et parce qu’ils traversaient de leur vie une période particulière (exceptionnelle ou douloureuse) et qui cessent lorsque cette phase prend fin. Et ceux qui cessent un jour ou tout comme parce qu’ils n’ont plus un rond de temps (nous en connaissons une, et qui nous manque bien).

  14. Moi aussi, j’ai eu peur que tu annonces la fermeture du tien…
    Je trouve ton analyse très juste. Je m’y connais moins bien même si j’en fréquente assidument, comme je ne fréquente pas (encore?)les lieux de rencontres réelles.
    Au plaisir de continuer à te lire (et à suivre les voyages de M Lapin)!
    :laugh_tb:

  15. C’est un vrai plaisir de te lire tu sais.

    Je crois moi aussi à la coexistence possible entre blogs, twitter et Facebook, tu as raison.

    Comme toi, j’aime papillonner de blog en blog, je ne me lasse pas.
    Le plaisir de lire, de dire est là, bien là, tant mieux !

    Et si en plus, cela permet de rencontrer de joyeux drilles dans le Cantal en plein mois d’août, quelle chance !

  16. @ sasa: et tu en sais quelque chose en amusement! :clap_tb:

    @ BBGS: Oh merci BBGS! :thumbup_tb:

    @ Christophe: Une autre belle définition: la cour de récréation. :happy_tb:

    @ Manue: J’ai l’impression qu’il suffit juste de trouver son propre rythme. Quant au mariage… :thumbup_tb:

    @ Saperli: Mon dieu, un blog est donc une sorte de grippe A? :bye_tb:

    @ calystee: Allez hop, on s’amuse! :laugh_tb:

    @ Gigi: Merci beaucoup Gigi! :thumbup_tb:

    @ Sameplayer: Si je te disais que je n’ai pas jeté le moindre coup d’œil sur les visites depuis le début de l’année… :devil2_tb:

    @ Fab: Non, jamais la moindre bite ni le bout de nichon ici. Ce blog est familial! :blush2_tb:

    @ Solanum: putain, sept ans! :bye_tb:

    @ jp: « Mieux vaut souvent ne rien poster que de poster en 4ième vitesse un truc qui n’en vaut pas la peine… » : tout est résumé. :bye2_tb:

    @ Rems: Tous les blogs ne ferment pas, ne t’inquiète pas! :laugh_tb:

    @ Lancelot: Et pourtant, nous allons tous finir en dame(s) pipi du blog, si si. :thumbdown_tb:

    @ MarcelD: Censure! :blush2_tb:

    @ Saa: Je lis beaucoup la presse. Cela m’inspire beaucoup pour les titres. :blink2_tb:

    @ Chickenbaby: le lapin va finir en civet… :huh_tb:

    @ Alice du fromage: Oh oui, l’amouuuur! :thumbup_tb:

    @ The 6L20: ok. :blink2_tb:

    @ Eric: et personne n’est irremplaçable. :annoyed_tb:

    @ Gilda: Un point pour toi. J’ai oublié cette catégorie de blogueurs. :laugh_tb:

    @ Mavie: Le lapin se porte très mal. Il a tellement voyagé que ses coutures commencent à céder… :thumbdown_tb:

    @ Fauvette: Il faudrait recommencer cette expérience auvergnate! :clap_tb:

  17. y en a aussi d’autres qui commence par un blog, puis vout voir un psy, puis qui arrêtent le psy puis le blog. Le changement de status maritale, peut avoir une forte influence sur la vie d’un blog également…

  18. « J’adore butiner les blogs des autres, et je prends encore un grand plaisir à écrire. Si l’écriture reste de facto une astreinte, cette astreinte demeure toujours ludique et d’une façon ou d’une autre profitable. » Ce retour sur ton aventure bloguesque est un beau miroir que tu nous tends. J’ai envie d’adhérer à ta tranquille appréhension des évolutions en cours. Ta conclusion me parle, parce qu’elle dit que le plaisir et l’intelligence sont des moteurs et des stimulants qui n’ont pas de raison de s’éteindre. Je crois qu’avec les modes qui passent, un écrémage se fera, mais les blogs ne mourront pas. Vive les blogs !

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