Le chanteur de Mexico et Lucia di Lammermoor

Le 22 septembre dernier, point de Lucia di Lammermoor et de délires lyriques à Bastille en compagnie du Kozlibunch, mais un Chanteur de Mexico au théâtre du Chatelet. Régression ou Madeleine de Proust, cette représentation fut pour moi l’occasion de me plonger à nouveau dans l’univers de l’Opérette redevenu très tendance.

Lorsque j’étais tout petit, le théâtre du Châtelet était encore le temple du kitch et des froufrous. Plus pour longtemps, car la mode des espagnolades était passée et le public se raréfiait. La grande époque reste associée à Maurice Lehmann, premier à avoir importé les comédies musicales made in Broadway dans les années 30. Maurice Lehmann est avant tout l’homme qui a osé imposer les opérettes populaires une vingtaine d’années plus tard après avoir rencontré Francis Lopez et programmé « Pour don Carlos » (avec Georges Guétary et Maria Lopez), puis le « chanteur de mexico », « la toison d’or », « méditerranée », « le secret de Marco Polo », « le prince de Madrid » et enfin « la caravelle d’or ». J’ai eu la chance d’assister à Volga, sans doute la dernière production Lopez/Bonneau montée en 1976 et jouée jusqu’en juin 1978. Je me souviens parfaitement de l’histoire, des fastueux décors, d’une calèche tirée par de vrais chevaux et notamment des rôles tenus par Maria Candido, Maurice et Sophie Baquet. Après Volga, Jean Bauchet proposa « Rose de Noël » avant de tirer le rideau du théâtre et la reprise de l’établissement par la ville de Paris.

Le Châtelet s’étant intellectualisé, les opérettes ont migré vers le théâtre de la renaissance, bien plus modeste. Aucune opérette ne fut montée. Seuls les anciens succès furent repris. Ainsi, « Violettes impériales » ou « La belle de Cadix » firent le bonheur des vieux nostalgiques des tchicatchicatchicayayailles pendant quelques années. Luis Mariano avait disparu, mais Francis Lopez avait repéré un autre chanteur, José Villamor. Les représentations étaient populaires et les interprètes signaient volontiers les livrets à l’entracte ou en fin de spectacle. Et plus rien pendant plus de vingt ans. Jusqu’à aujourd’hui, car, après 905 représentation, le Chanteur de Mexico, ses fiestas endiablées et ses amours tumultueuses sont à nouveau à l’affiche du théâtre du Châtelet. Je me faisais une joie de replonger dans les aventures de Vincent au pays des sombreros. L’histoire initiale était un peu tordue.

Le jeune et beau Vincent est la coqueluche des filles de Saint-Jean de Luz. Il rêve de devenir une vedette de la chanson. Après s’être fait plaquer par Eva engagée pour chanter une opérette à Mexico, il décide de monter à paris pour tenter sa chance avec son ami Bilou. À Montmartre, les deux compères font la connaissance de Cricri, véritable Titi parisien. Bilou tombe amoureux de Cricri qui tombe de son côté amoureuse de Vincent, qui ne se rend compte de rien. Cricri inscrit Vincent à un concours, concours qu’il remporte haut la main. Parallèlement, le départ d’Eva est compromis car son partenaire, le célèbre Miguelito, refuse de quitter la France. Eva use donc de tous ses charmes pour convaincre Vincent de passer pour Miguelito. La joyeuse troupe traverse donc l’Atlantique. Peu après leur arrivée, Vincent est enlevé. Zapata pense kidnaper Miguelito qui est en fait un agent contre-révolutionnaire. Rhalala, il lui en arrive des choses à ce pauvre Vincent.

L’histoire et le livret de cette nouvelle production ont été modifiés et simplifiés par Agathe Mélinand. On ne raconte plus l’histoire de Vincent mais on tourne le film du chanteur de Mexico. C’est une opérette sur un film sur une opérette. La boucle est bouclée. Rossy de Palma reprend le rôle d’Eva. Même si elle joue avec beaucoup d’humour, on ne comprend rien quand elle tente de s’exprimer. Clotilde Courau ne chante pas juste mais on s’en moque. Seul Vincent (Ismael Jordi) s’en sort. Il a du coffre et s’en sert bien. Cependant, la reprise est bien médiocre. On ne retrouve pas la folie des vieilles opérettes. Tout sent le neuf et parait trop huilé. L’ensemble sent trop le savon et pas assez la foufoune et on s’ennuie vite. Autre bémol : Le théâtre du Chatelet n’offre pas le même confort visuel qu’à Bastille et certaines places d’orchestre peuvent réserver bien des surprises au non initié. Le public avait également changé. Peu de grand-mères aux cheveux violets. Beaucoup de pédés, de bobos et de mondains.

Les critiques ont été dures. La dernière en date fut celle du nouvel hebdomadaire « Jasmin », lancé la semaine dernière par Axel Ganz (Et oui, je lis la presse féminine).

« A quoi bon susciter la nostalgie, si c’est pour lui cracher au visage ? A quoi bon monter le chanteur de Mexico et le détourner de façon ricanante ? A quoi bon lifter le livret si on le rend hermétique ? A quoi bon (intelligemment) réorchestrer la partition de Francis Lopez puis la noyer ? A quoi bon enrôler Clotilde Courau, qui chante avec le sex-appeal de Jacques Delors ? A quoi bon importer d’Espagne Rossy de Palma, incapable d’articuler une syllabe ? A quoi bon vouloir retrouver un certain âge d’or du Châtelet et nous offrir cette « revue » qui balance entre paraphrase de la Cage au Folles et Disneyland SM ? De ce fier naufrage, sauvons toutefois Franck Leguérinel : bon acteur, vrai chanteur égaré dans une piteuse guimauve »

Mais la semaine se termina en beauté. Kozlika :wub_tb: m’avait proposé une option sur une place pour aller assister à une représentation de Lucia di Lammermoor (critiques ici, ici, et ici. Akynou propose de son côté de très jolis clichés mais également deux vidéos (1, 2)). J’avais hélas refusé sous peine de divorce avec Snooze. Miracle du Vendredi, mon comité d’entreprise proposa deux places d’orchestre pour le jeudi suivant. Nous avons donc eu la chance d’assister à cet opéra. Et quel opéra. Et quelle distribution extraordinaire. Natalie Dessay était impériale. Tout s’est terminé par une valse avec le chef d’orchestre. Le public, debout, en délire. Je n’avais jamais assisté à une telle ovation. Ce fut très émouvant.

20 commentaires sur “Le chanteur de Mexico et Lucia di Lammermoor

  1. En te lisant j’aurais aime assite a cet opera mais surtout pas a cette operette dont Tante May ainsi que quelques vielles dame de son entourage avait envie d’aller voir et que j’avais mis en garde par rapport a la critique ( j’ai bien fait, non ?). :bye_tb:

  2. @ Peter: je crois que tu as bien fait. Tante May n’aurait pas retrouver la magie des anciennes operettes.

    @ Juju: J’ai enfin compris ta passion ainsi que celle de Koz pour Natalie. Je suis fan maintenant. J’ai achete la version « Lucie » (enregistre a opera de Lyon, livret francais) et je n’ai vraiment pas ete decu. Natalie D est toujours aussi brillante!

  3. On peut dire que vous etes deux petits veinards hein ? Tant mieux, vous avez pu voir Lucia, cela me fait plaisir pour vous.
    Oui c’est dommage d’avoir affadi le Chanteur de Mexico, je ne l’ai pas vu, mais cela m’agace ces spectacles sans peps et pretentieux. Mais que font-elles donc toutes les mamies a cheveux violets alors ? O??⬨? vont-elles ?

  4. @ Fauvette: Je crois qu’il y a eu une rupture du continuum spatio temporel. Les mamies aux cheveux violets sont maintenant dans la quatrieme dimension (enfin je crois…) :jittery_tb:

    @ Akynou: Je suis super naze :annoyed_tb:: Moi qui suis toujours epate par tes photos lors des sorties lyriques, je n’ai meme pas pense a mettre un lien chez toi. Honte sur moi pendant sept generations! :thumbdown_tb:
    Chose reparee.

  5. @ Papillon: J’ai cru helas comprendre que la nouvelle production de la Traviata presentee l’ete prochain n’allait pas casser des briques…. :thumbdown_tb:
    Je suis decu car c’est mon opera prefere (et je n’ai pas eu les moyens de me rendre a Salzburg l’annee derniere).

  6. NOOOONNNNN, C’EST FAUX, JE T’AIME CHARLEEEENNNE!
    J’aime tout chez toi!
    Charlene, ton corps!
    Oui, je l’avoue, j’ai encore envie de te violer dans mon frigoooo, tes miches dans le bac a glacons :jittery_tb: :jittery_tb: :jittery_tb:

    Pour Swan Lake, je crois que le Snooze a reserve depuis longtemps sa place (moi tu sais, la danse). Je lui demande de t’envoyer un mail, d’accord?

  7. techniquement bien chanté par les roles titres mais pour le reste….livret minablement remanié…le décor sur un noir permanent en fond de scene (le rideau pare-feu)économique car composé d’éléments symboliques comme pour une variété télévisée.diction incompréhensible qui vous fait décrocher de l’intrigue tres rapidement.
    heureusement l’orchestre et les « tubes » de l’époque n’ont pas vieilli sinon rajeunis! que faisait la clotilde courault? benguigui ? on n’y croyait pas ils avaient l’air de s’ennuyer! tellement d’autres comédiens fantaisistes et chantant justes auraient pu relever la sauce….je ne sais ce qu’en pense Annie Cordy !!!

  8. Ttttt… roidetrefle, il va falloir revoir votre copie… Aucune opérette ne fut montée au théâtre de la renaissance ? Vraiment ? José Villamor qui a bercé mon adolescence dans de nombreuses opérettes (mmmmm… j’en etais très amoureuse du haut de mes 14-15 ans)et qui me signait à l’entracte mon programme (un trésor de gentillesse cet homme,)y a pourtant chanté « La Perle des Antilles » (ses débuts) et « Viva Mexico » ! Ca vous parle ? Sauf erreur de ma part, je ne les connaissais de nul part avant !Et je peux vous dire que niveau opérettes, je suis blindée depuis le berceau, ma mère adorant Luis Mariano, les disques tournaient toute la journée… Bien sur au Théatre de la Renaissance, nous n’avions pas le droit aux chevaux sur scène comme dans Volga avec José Todaro, opérette que j’ai adorée au Chatelet, vu que l’espace est réduit, mais la magie était là, nous passions 2 heures d’évasion. J’ai recroisé José Villamor sur un site privé il y a quelques mois, car il aime toujours autant bavarder, meme par mails… Sourire. Avons discuté du bon vieux temps et des ses opérettes à la Renaissance. Il a été très surpris et très heureux que 30 ans plus tard, il y ai encore des admirateurs qui se souviennent de lui. Il vit en Espagne, toujours aussi simple et modeste… et nous embrasse tous bien fort en France.

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