Nous sommes tous là pour lui régler son compte à ce gros bâtard

Le climat se révèle être finalement très agréable à Orlando, et non pas dans Orlando, qui reste toujours à 37°. Les vilains nuages se sont dissipés pour laisser place au soleil. Je ne suis pas en Floride pour profiter des palmiers et des parcs d’attraction, mais pour assister à la grande messe annuelle de la société américaine de cancérologie clinique. Tous les ans, des dizaines de milliers de personnes impliquées en cancérologie se retrouvent et communient ensemble pendant quelques jours. L’année dernière, le congrès était organisé à Chicago. L’ambiance est généralement bon enfant. On rencontre des gens du monde entier et les participants sont tous des passionnés. L’annonce des plus grandes avancées thérapeutiques est réservée à ce genre de manifestation. L’industrie pharmaceutique est également très présente, et met indécemment le paquet pour communiquer sur ses produits les plus innovants. Les sessions débutent à 7h30 et terminent à 18h00. Entre deux conférences, le gentil membre est invité à se muscler les mollets en parcourant les longs, larges et interminables couloirs reliant les auditoriums.

Décalage horaire oblige, je me réveille vers cinq heures du matin pour partir courir autours des deux lacs qui se trouvent aux pieds de mon hôtel. Le parcours est sensationnel et revigorant. Les Américains sont généralement très accueillants, vous font signe de la main ou vous demandent comment vous allez. On tombe parfois sur des bourrins sans éducation aucune. La nuit dernière fut plus courte que les autres. De gros blaireaux ont débarqué dans la chambre jouxtant la mienne à trois heures du matin en hurlant, chantant, et jouant de la guitare. Après leur avoir poliment demandé, à la française, de se calmer (en vain, même en éructant un « bande d’enculés » puis un nombre incalculable « bloody bastards » et « fuck ») et être descendu à la réception pour que l’hôtel envoie quelqu’un (en vain également), j’ai finalement décidé de prendre deux oreillers et une couverture, et de m’installer au beau milieu du lobby pour protester contre le manque d’efficacité des agents de l’hôtel. Une demi-heure plus tard, on me proposait une nouvelle chambre.

Côté attractions, c’est la misère, surtout pour un crétin sans permis de conduire. Les parcs se trouvent au sud de la ville et couvrent principalement trois grandes zones: (i) Universal, (ii) Disney, et (iii) Sea World, zones situés loin du centre ville. L’ensemble est formé en tout d’une vingtaine de parcs, certains gigantesques. Ainsi surface du complexe Disney équivaut-elle à celle de Paris. Le moindre drugstore se trouve à une vingtaine de pâtés de maisons de mon hôtel. Quant aux magasins, ils sont quasiment inexistants. En faisant un bon gros cliché des familles, il est possible de résumer la Floride de la manière suivante: La côte Ouest est peuplée par les retraités et constituée uniquement de zones résidentielles ultra sécurisées et de golfs, la côte Est (Miami inclus) voit alterner plages, champs d’orangers, décharges et NASA (Cape Canaveral). Au centre nord, une ville artificielle, Orlando, principalement développée autour de Disney World dans les années soixante, au centre sud les Everglades, et enfin à la pointe sud les fameuses Keys. Le tout gouverné par un Bush.

En conclusion cette année, point de tourisme en Floride, juste de la clinique. Le sujet est tout aussi passionnant sinon plus.

Mais finalement, kezako le cancer? :king_tb:

C’est très simple.

Si si.

La plupart des cellules qui constituent notre organisme se reproduisent constamment. Les vieilles cellules sont remplacées par des jeunes, plus vigoureuses et résistantes. Une cellule ressemble grossièrement à un abricot. Sa peau est poreuse et lui permet de communiquer avec son environnement proche ou lointain en captant et libérant des signaux, et son noyau contient notamment les gènes regroupés dans les chromosomes. La fréquence de multiplication varie d’un type cellulaire à l’autre (peau, intestins, foie, globules blancs). Le chef d’orchestre qui permet à la cellule de communiquer et de se transformer se trouve dans le noyau de la cellule. Certains gènes vont pousser la cellule à se multiplier, d’autres vont freiner sa prolifération. Une autre catégorie de gène permet la réparation d’autres gènes défectueux. Pour qu’un cancer se développe, il suffit donc qu’il y ait un déséquilibre entre les gènes pro- et anti- réplication, ou que le système de réparation soit défectueux (non, la ligne 13 du métro parisien n’est pas un cancer, quoi que). C’est le Ying et le Yang. Tout déséquilibre peut potentiellement conduire à un drame. Un tel déséquilibre peut être causé par notre environnement (alimentation, alcool, tabac, irradiations).

La prévention et le dépistage sont donc indispensables. Plus un cancer est détecté tôt, plus les outils mis à la disposition des cancérologues sont efficaces. Tout dépend bien entendu du type de cancer. Certains sont plus agressifs que d’autres. Chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie sont les trois armes principales. Les patients sont traités différemment selon l’avancement de leur(s) tumeur(s). On parle alors de ligne de traitement. Tout médicament administré en tout début de traitement en association avec la chirurgie ou la radiothérapie est appelé traitement adjuvant. Un autre traitement peut être administré en première ligne. Lorsque le patient rechute et donc lorsque le cancer progresse, on lui administre un traitement de seconde ligne, puis de troisième ligne. Le plus souvent, la progression implique la métastase, c’est à dire la diffusion d’un groupe de cellules cancéreuses via le sang ou la lymphe. Tout devient donc plus compliqué car d’autres organes comme le foie, les os, les poumons ou le cerveau sont touchés. Les médecins doivent alors agir sur tous les fronts, et les chances de survie du patient s’amenuisent dramatiquement.

Il y a quelques années, on utilisait systématiquement la grosse artillerie pour flinguer les cellules cancéreuses. Les médicaments étaient très agressifs et non spécifiques. Depuis peu, les thérapies mises à disposition sont plus ciblées et peuvent différencier cellules saines et cellule cancéreuses car ces dernières expriment généralement à leur surface des marqueurs bien spécifiques de leur statut. De grandes avancées ont eu lieu dans le traitement du cancer du sein, mais également dans celui de certains cancers digestifs ou certains cancers du sang. Plus récemment, le rein a bénéficié de nouvelles thérapies innovantes. Cette année, la mode semble être au traitement et à la gestion d’un certain type de cancer du poumon. La mode semble être avant tout de faire avec que nous possédons déjà (manque de résultats ou crise?).

Administrer les bonnes combinaisons, aux bons dosages, aux bons patients, tel semble être le leitmotiv cette année.

Nous croisons tous les doigts.

En attendant, il est toujours crétin d’augmenter les risques en picolant ou en fumant, hein ? :furious_tb:

21 commentaires sur “Nous sommes tous là pour lui régler son compte à ce gros bâtard

  1. Merci pour ce billet qui remet pas mal de choses en place sur ce sujet que certain juge délicat et qu’il faudra bien apprendre un jour à regarder en face, sans illusion mais sans peur.

  2. Dis-moi tu serais pas au Marriott Grande Lakes qui communique avec le Ritz Carlton? Ceci expliquerait les deux lacs ainsi que la distance enorme reliant ta chambre aux salles de conference. Experience perso oblige… :clap_tb:

  3. Oui oui oui…. mais en plus du dépistage et du dosage il y a…. le dialogue avec l’équipe médicale. Bien gentil de nous mettre sous traitement, mais en expliquant au patient précisément ce qu’il a, ce qu’il est possible de faire etc… Bref! en le prenant pour un être doué d’intelligence, ça va tellement mieux! (promis juré je sais de quoi je parle!)

  4. @ Calystee: merci à toi. :laugh_tb:

    @ Pascal: Ah la bonne excuse! :dunce_tb:

    @ Vincent: répondu. :laugh_tb:

    @ JaHoVil: Parce que le cancer est vraiment un gros bâtard. :devil_tb:

    @ Kab-Aod: c’est un point de vue. Et oui, que je suis crétin, il suffit de noyer les vilaines cellules dans l’alcool pour s’en débarrasser… :bye_tb:

    @ Anne: C’est le meilleur moyen pour se sentir bien, et je suis également un spécialiste. Ah et puis aussi, qu’il est joli ton gravatar. :thumbup_tb:

    @ Erathrya: Rien de nouveau, hélas. :thumbdown_tb:

    @ Saa: C’est une évidence. Et les différences sont énormes d’un centre à l’autre. IL y a beaucoup de progrès à faire. :king_tb:

    @ Traou: Pas de pyjama: La tête dans le cul, les cheveux en bataille, un t-shirt pourri et un vieux caleçon. :blush2_tb:

  5. Mr Jeb Bush me dit de vous signaler qu’il n’est plus gouverneur de Floride depuis 2007. Et que, par ailleurs, il n’apprécie pas que vous l’appeliez « gros bâtard ». Ses avocats contacteront les votres incessamment. En votre aimable règlement.

  6. @ roidetrefle : J’ironisais, hélas. Je ne voulais pas plomber l’ambiance en évoquant la femme d’un ami qui voit, depuis un mois, sa petite tumeur chérie renaître une quatrième fois derrière son (feu) œil gauche. Le cancer, je ne l’aime pas, je ne m’en moque pas (je ne compte plus le nombre de proches qui auront disparu en deux mois).
    Je bois et je fume, et crois bien que ce n’est ni par plaisir ni par vice. Dans mon monde, les choses ne se résolvent pas avec une pincette de bonne volonté, un gramme de prévention et une goutte de morale…

  7. Je me dis que puisque je prends souvent la ligne 13, j’ai peut-être une chance d’éviter à court terme le développement d’un cancer interne (genre ce serait une façon de l’exfiltrer 🙂 ). :dunce_tb:

    Boutade à part, j’aime tes articles sur sujets médicaux, je me sens moins bête après et j’aime ta façon de tenter de combattre les idées reçues.

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